Luis Aragonès a 70 ans, mais il en fait 1 000. En conférence de presse, les journalistes peuvent l'entendre respirer profondément. Ses cheveux blancs sont mal peignés, sa voix rauque et tremblotante, ses lunettes glissent sans cesse jusqu'au bout de son nez. Qu'il gagne ou perde, il ne sourit jamais. L'entraîneur espagnol accueille seulement les questions l'air blasé. Aragonès, c'est ce vieil oncle qu'on a toujours un peu peur d'emmener aux fêtes de famille, des fois qu'il se mettrait à attaquer le bordeaux au goulot ou à balancer une vanne pas drôle. D'ailleurs en principe, ça ne rate pas. En 2006, lorsque le comité d'accueil de Dortmund, où l'Espagne logeait durant le Mondial, lui a offert un bouquet de fleurs jaunes (couleur porte-malheur en Espagne) en signe de bienvenue, le sélectionneur ibère s'est empressé de le jeter à la poubelle, en soulignant devant les micros : «Je n'ai pas de place dans mon cul pour une queue de gambas, alors pour ça.» Et quand, avant l'Euro, on lui a rapporté le nom des candidats à sa succession, il a grommelé que les gens de la fédération «n'avaient qu'à [le] virer maintenant». Puis il est passé à autre chose. Drôle de bête.
Type à l'ancienne. Depuis qu'il a pris les rênes de la Selección après un énième échec de l'Espagne à l'Euro en 2004, c'est peu dire qu'Aragonès fait figure d'anachronisme dans le monde si policé du football européen. Ses joueurs l'appellent «Opa» (grand-père). De manière générale, il préfère le survête