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Libération

Les non-dopés sont les handicapés du Tour

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publié le 10 juillet 2008 à 4h15

Certains mondes, comme celui du vélo de haut niveau, sont parfaitement inadaptés aux gens valides : les «normaux» qui ne se doperaient pas. Le cycliste qui ne se dope pas est un handicapé, au sens propre. Ce monde-là n'est pas fait pour lui. Et il en souffre. Il faut être handicapé pour comprendre cela, ou bien subir le dopage passif dans les roues des «champions». Les non-dopés s'épuisent dans une communauté repliée. Le cycliste sain pratique alors ipso facto un sport «intégré» (le terme officiel) mais avec les règles du milieu (dont la loi du silence), sans aménagement et sans ménagement.

Il parle un langage, celui de l'honnêteté, de la transparence, du travail acharné et du bon sens que peu comprennent et qui n'est pas appris ou agréé sur le Tour de France 2008. Certains hommes, privés de l'ouïe, sont aussi considérés de manière absurde comme handicapés. On veut dire par là qu'ils appartiennent à ce qu'on désigne pudiquement comme une «communauté réduite». Absurde : leurs yeux peuvent entendre. Ceux-là dialoguent avec leurs mains. Ils «signent» au lieu de parler. L'expression faciale trahit leurs émotions : il en va de même avec le rictus de l'effort sur un sportif sain qui fatigue. Cette forme d'expression - celle des signes - est riche, imaginative. Elle est en trois dimensions. La langue française, elle, n'en possède que deux : l'abscisse et l'ordonnée, puisque les intonations régionales trahissent l'origine. Comme le sourd, le non-dopé est incompris : aucun cont