Les ophtalmos sont d'accord. Chaque oreille est un monde, aucune ne ressemble à l'autre. Démonstration mercredi à Bilbao. L'oreille coupée par Padilla à Regidor, un toro servile de La Quinta, pèse quelques centaines de grammes; celle coupée par El Juli à l'improbable Tarifeño, quelques kilos et plusieurs coups de chapeau.
Padilla a toréé Regidor à genoux, à pied, à cheval et en voiture par veronicas, chicuelinas, naturelles, molinetes, par tout ce qui lui passait par la tête et en se croisant peu. Nietzsche doit avoir raison : «L'homme est un animal non fixé.» Il l'a banderillé au violon et entrepris à la grosse caisse. Avec Padilla, les corridas prennent des façons des gueuleton.
Biftons. Il est impossible de lui en vouloir à Padilla, même si son enthousiasme n'est pas forcément enthousiasmant. D'abord, il se tape des monstres, ensuite, il est plus tapissé de coups de corne qu'un wagon de vieux TER de grafs, enfin il n'a pas le physique pour quintessencier la demi-veronica. De plus, on apprécie son joyeux cynisme. La semaine dernière, à Béziers, au cours de son tour de piste il criait à ses potes dans la contre-piste «Billetes, billetes !» en faisant le signe des biftons avec le pouce et l'index. Il l'a déclaré après sa course à Bilbao : «Les arènes du Nord, c'est mon fief.» On entend banque et garde-manger derrière fief. Il doit adorer toréer à Tolosa, toujours au Pays Basque, où le triomphateur gagne 5 kilos de haricots. Lingots, on suppose. Donc surtou