Christophe Brissonneau, 46 ans, est sociologue et enseigne à l'université Paris-Descartes. Il dirige une expertise collective sur le dopage en Europe pour le Parlement européen. L'Epreuve du dopage (1), ouvrage collectif, dessine à travers des témoignages, le profil du coureur cycliste professionnel.
Le fait de recourir au dopage serait-il l’aboutissement d’un processus qui démarre dès les premiers coups de pédale chez les amateurs ?
On ne voit que l’acte du dopage dans les affaires qui sortent. Mais notre travail a consisté à montrer que ce choix du dopage résultait d’une socialisation sportive auprès de la famille, des médecins et des entraîneurs. Une socialisation qui dure dix à quinze ans. Le sportif est poussé par les groupes d’acteurs sociaux, d’abord à la pharmacologie légale puis à la pharmacologie illégale.
Que racontent ces coureurs professionnels qui témoignent sous anonymat ?
Que la grande rupture, c’est le passage à l’EPO. L’entraînement, c’est développer la force de travail. Les produits sont là pour la valoriser. La rupture va se faire au début des années 90 avec l’arrivée de nouvelles hormones qui ne respectent pas cette «valeur» travail : un mauvais cycliste peut devenir bon cycliste. La question, avant, c’était : est-ce que je m’injecte des produits pour «faire le métier» ou alors je prends de nouveaux produits pour être «performant» ? L’EPO rompt aussi une autre chaîne. Jusqu’aux milieu des années 90, le cyclisme est un sport collectif. On travaille pour un leader. Avec l’EPO, que l’on va chercher auprès d’un médecin biotechnologiste, on s’entraîne seul et non plus avec le groupe.
Que signifie l’expression «faire le métier» selon les témoignages recueillis ?
C’est se lever et aller rouler sous la pluie en hiver. C’est un métier car il