Sur l'écran, les images en noir et blanc tremblent, rythmées par d'oppressantes pulsations cardiaques. Nous sommes le 16 juillet 1950 et c'est, à Rio de Janeiro, le dernier match du Mondial entre l'Uruguay et le Brésil. Grandissimes favoris, les Brésiliens n'ont pas besoin de gagner pour s'offrir la coupe Jules-Rimet. Un nul suffit. La Seleção ouvre le score à la 47e minute. L'affaire semble réglée. Pourtant, l'Uruguay, champion du monde en titre, égalise à la 66e minute. Stupeur dans les travées du Maracanã. Quelques instants plus tard, l'Uruguayen Alcides Ghiggia s'échappe sur l'aile droite. Le portier brésilien, Barbosa, s'avance lorsque Ghiggia tire d'une frappe sèche du gauche : 2-1 pour la Celeste ! Le Brésil agonise. Les joueurs sanglotent, des supporters pleurent.Concédée il y a 58 ans, cette défaite a marqué au fer rouge la société auriverde. Dans ce pays où le football est une religion, en parler relève, aujourd'hui encore, du blasphème. Pourtant, «bâtir un musée national du foot sans évoquer ce match nous semblait inconcevable»,explique Leonel Kaz, le conservateur du Museu do Futebol, inauguré fin septembre à São Paulo. «Nous avons remué ciel et terre pour retrouver ces images. Au Brésil, elles ont été détruites. C'est, du moins, ce qu'on m'a dit. Il a fallu que nous allions à la Cinémathèque nationale d'Uruguay pour les dénicher.» On peut les voir aujourd'hui au musée, dans une toute petite pièce, peinte de noir.
Jo