Assise sur un trottoir de Crane Street, une canette vide coincée entre les boots, Mary O'Ferry en a pleuré des larmes de joie. Des larmes de stout, sombres et moussues. Sept ans de malheur évacués d'un coup. Sept défaites consécutives gommées par un XV d'Irlande flamboyant sous la pleine lune de Croke Park.
Autour d'elle, Dublin boit, chante, vomit. Parce que les vaillants du Munster et du Leinster, tous ensemble, tous ensemble, l'ont joué aux Français façon folk éthylique des Pogues, celui du «churchillien» Rhum, Sodomy and the Lash. Ils leur ont tanné la couenne à grands coups de rucks, les ont saoulés d'attaques aussi tranchantes que le poignard de l'écrivain irlandais Liam O'Flaherty avant de leur faire mordre l'oreiller d'une dernière pénalité entre les barres. Avec ça, réglos ces gars d'une génération dorée mais bredouilles de titres depuis des lustres. Mary O'Ferry étouffe un sourire. Pour un peu, elle les auraient qualifiés de gentlemen. Mais l'ivresse n'autorise pas l'emploi d'un compliment d'Anglais à l'adresse des siens.
N’empêche, des Irlandais pas embrouilleurs, pas bagarreurs, pas truqueurs, des Irlandais sans faute au sol, sont-ils encore des Irlandais ? Oui, parce qu’ils ont gagné, eux, au moment où le pays se barre en sucette, où le «tigre celtique» s’avère de papier mâché et que lundi matin, son boulot de programmeuse ne tiendra qu’à un fil de la Bourse.
Dans le halo d’un réverbère, la bruine dessine un «découpez-selon-le-pointillé», celui de