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Libération

Sur le terrain de la sublimation

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A travers le football, ce sont les aspirations d’une communauté, ville ou pays, qui se révèlent.
par Marc Crépon et Marc de Launay, Chercheur au CNRS (Archives Husserl de Paris, ENS-Ulm) en philosophie allemande
publié le 19 novembre 2009 à 0h00

Egypte-Algérie et France-Irlande, une chose est certaine : les résultats de ces deux matches ont fait des heureux tandis que d’autres ont vécu la défaite comme un drame personnel et collectif. La fonction du sport dans la société civile oscille entre le culte de la performance individuelle et la métaphorisation de l’appartenance à une collectivité (ville ou nation) par le biais de l’équipe qui l’«incarne». Contrairement aux sports individuels (anciens - javelot, lancer, course - et modernes - sports de glisse en tous genres -), le football cristallise les aspirations à la communauté et il en reproduit toutes les ambivalences. Il recèle, d’abord, une contradiction ravageuse entre sa nature collective et la «personnalisation» croissante de chacun des joueurs. Contradiction que redouble la conjonction de l’atomisation de la masse des spectateurs télévisuels et de la minorité agissante des spectateurs directs chargée de réaliser leurs attentes en compensant leur isolement de fait.

Il implique ensuite l’identification à une équipe dont les victoires sont autant d’étapes vers la reconnaissance qu’exige toujours le sentiment d’appartenance, en même temps qu’il assure la promotion de joueurs singuliers devenus les hérauts de l’«identité» que ce sentiment recompose… le temps d’un match. En Ligue l, les succès contribuent au prestige d’une ville ; à l’arrière-plan du match algéro-égyptien, l’enjeu est une place éminente à l’échelle du continent africain ; dans le cadre de la Coupe du m