Au commencement de la vie d'un athlète, il y a un mystère : celui du talent, qui va se poser sur les épaules de quelqu'un qui, au fond, n'a rien demandé. Fouad Chouki, ex-recordman de France du 1 500 mètres (3'30''83 centièmes en 2003) : «Dans son petit village berbère, mon père n'avait aucun horizon sinon une existence de misère. Il a 19 ans quand il quitte le Maroc pour la France où un foyer à 24 par chambre et un contrat dans une fabrique de cuisinières l'attendent. Moi, à cet âge, j'étais vice-champion d'Europe du 1 500 mètres et on disait que j'avais le potentiel pour monter sur un podium olympique un jour.» La suite appartient à l'histoire de l'athlétisme français et à la rubrique faits divers : dopage, contrôle positif à l'issue des championnats du monde organisés en France en 2003, tempête médiatique, recours vaseux, accusation de viol par une fille de 14 ans. Et sept mois de préventive à la prison d'Offenbourg (Allemagne) pour tentative d'homicide.
Disons qu'à 31 ans et retiré des pistes, Chouki peut faire valoir une vie bien pleine. Du coup, il a écrit un bouquin découpé comme suit : sa vie, son œuvre dans le demi-fond français sur douze chapitres, l'histoire de la fille (qui s'est rétractée) sur un chapitre et la prison, le procès, l'acquittement pour homicide en Allemagne sur deux. C'est donc le sport qui se taille la part du lion. Et ce qu'on peut lire là-dessus est proprement fulgurant, une sorte de Barry Lindon - la montée, la chute - du XXIe