Samedi soir, de retour chez lui, légèrement cuit dur du cornet pour cause d'obligations protocolaires inhérentes à une remise de bouclier, Brennus a lancé à sa femme : «Liliane, fais les valises, on part à Clermont.» Du regard, un regard glacé, elle lui a indiqué trois cantines déjà remplies de passe-montagnes, bonnets, gants, caleçons en laine de verre et chaussettes en poils de marmotte.
Depuis quelques semaines, elle pressentait le choix de son mari. Brennus, toujours le cœur sur la main, avait décidé de donner un coup de pouce aux Auvergnats. Ne serait-ce que pour faire un compte rond. Allez les gars, dix finales perdues, je vous offre la onzième gagnante gratuite. Ainsi fallait-il interpréter le drop accordé à Anthony Floch. L’esprit au détriment de la règle. Il était comme ça, Brennus. Toujours disponible pour porter la bonne parole du rugby aux cinq cents diables avant de faire la nouba au bras des supporteurs. On l’aurait expédié à Joncherey ou au Deschaux, il y serait allé. Et puis, les Catalans avaient rendu le bouclier dans un état tellement pitoyable qu’il n’était pas question de le leur confier une année supplémentaire.
A côté de Liliane, pépère ronflait maintenant plus fort qu’un Fidjien devant une retransmission de la Vasaloppet. Elle se souvint d’une vingtaine de terribles hivers, là-bas, dans le grand nord, à Paris. Et ces saisons à mourir d’ennui, Quillan en 1929, Carmaux en 1951, La Voulte en 1970. Sa ville de cœur demeurait évidemment Toulouse où l