Plantée le long de Chris Hani road, à Rockville, en plein cœur de Soweto, la grand-mère est en colère. A 70 ans, bonnet sur la tête pour conjurer l'hiver austral, Regina Queen attend le «nouveau bus». Mais aujourd'hui, le bus ne viendra pas, car les employés sont en grève et réclament un meilleur salaire. «Faudrait que cela reparte vite, peste Regina. Ça fait plus de quarante ans que je vis ici et le bus a changé ma vie. On peut enfin aller faire les courses à Johannesburg et c'est beaucoup moins cher qu'avec les taxis.» Le BRT (Bus Transit System), un réseau de transport ultramoderne, a été mis en place pour la Coupe du monde, afin de faciliter les déplacements du township vers la ville. «Nous, on adore le foot, poursuit Regina. Je ne sais pas si tout le monde va en profiter mais, au moins, les gens s'intéressent à nous.»
Dix-neuf ans après la fin de l'apartheid, Soweto, le plus emblématique township d'Afrique du Sud, anticipe avec frénésie la Coupe du monde. Symbole de la résistance noire à l'oppression blanche, le South Western Township n'a pas d'égal dans le pays. C'est une exception : le plus grand, le plus riche et le plus vibrant de ces ghettos où le régime raciste avait parqué les travailleurs noirs. L'un des rares lieux où se côtoient la nouvelle bourgeoisie noire, la classe moyenne, et les plus pauvres des pauvres, qui continuent à affluer avec l'exode rural. «Soweto est unique, résume Andrew Mgaga, businessman l