Que s’est-il passé en France avec ce Mondial ? […]. Avant même le départ, des corporations étaient prêtes à sacrifier le Mondial sur l’autel de leurs revendications. Au départ, l’intérêt et la passion ne dépassaient pas le cercle des amateurs de foot. Mais de même qu’il faut du temps pour chauffer un liquide jusqu’à ébullition, de même il a fallu du temps pour que le pays commence à chauffer, jusqu’à l’arrivée au paroxysme final. Il a d’abord fallu le temps des obstacles éliminatoires franchis, puis l’attente, le suspense et l’espoir n’ont cessé de s’accroître après chaque nouvelle épreuve surmontée.
Le stade devint alors de plus en plus une gigantesque coupe d'amour offerte, ouverte, magique. Les spectateurs devenant acteurs-participants furent saisis de l'intérieur par des comportements de plus en plus archaïques : peinture aux couleurs nationales sur le visage voire le corps, onomatopées scandées, rythmes, gestes rituels comme pour une cérémonie sacrée, olas tribalisant tout un stade dans un même frisson circulatoire, et sans doute il y eut en chacun la volupté de retrouver sa nature archaïque si constamment refoulée dans la vie quotidienne et qui, en réaction à la prose de cette vie, s'exprime aujourd'hui dans des multiples fêtes de communion comme les raves.
La magie et la tribalisation se répandirent progressivement hors du stade. Dans une montée passionnelle, de plus en plus d’adolescents des deux sexes et des adultes se peignirent joues et front en tricolore,