Historien, maître de conférences à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) Pap Ndiaye a publié la Condition noire (2008, éditions Calmann-Lévy).
Est-ce qu’on peut parler d’une ethnicisation du football français ?
L’histoire du football français, particulièrement de l’équipe nationale, est intimement liée à celle des migrations : le foot est historiquement un sport d’ouvriers immigrés. Mais aujourd’hui, les fils de migrants antillais et africains ont remplacé ceux de familles italiennes, espagnoles ou polonaises, de telle sorte que l’équipe de France a pris des couleurs. L’origine non européenne directe ou indirecte de ces joueurs, issus de l’ancien empire français, dessine ainsi une autre histoire, postcoloniale celle-là. Il ne s’agit donc pas d’une «ethnicisation du football français», mais d’une équipe qui est le produit d’une histoire ouvrière, migratoire et coloniale. Parallèlement, la composition des équipes a souvent fait débat du point de vue de leur adéquation à la communauté imaginaire : l’équipe de France propose une représentation de la nation qui déplaît à certains, qui la jugent trop colorée et mettent en doute son patriotisme. En revanche, elle plaît à d’autres, qui s’identifient d’autant plus à tel ou tel joueur qu’ils ont en partage une histoire familiale semblable, ou qui se félicitent de son universalisme.
Dans la Condition noire, vous faîtes l’histoire de l’idée que «les Noirs sont bons dans le sport».
L'exaltation de la puissance physique noire est assez récente. Au milieu du XIXe siècle, Gobineau parlait de la faiblesse musculaire des Noirs, de leur propension à la fatigue. Cependant,