Dimanche à Pampelune, les Miuras sont l'ombre d'eux-mêmes et le soleil a déserté. Personne sur les gradins Sol. Grève des 16 peñas de la ville. Elles font la fiesta sur l'avenue Carlos III. Raison : la municipalité a porté plainte contre deux d'entre elles pour avoir arboré un soutien à deux prisonniers d'ETA. Du coup, au nom de la liberté d'expression, elles ont décidé de snober la corrida. Plus généralement, elles accusent la mairie de saboter, en interdisant «les actes à caractère politique ou revendicatif», le côté «populaire, participatif et spontané» d'une feria connue pour faire, à travers des banderoles satiriques, la critique carnavalesque de la politique locale.
Lambeaux. Donc pas de soleil pour le solaire Padilla mais un toro, Lengueto, qui passe dans sa cape comme une lettre à la poste. Padilla lui fourgue une demi-veronica style Morante. Ou presque. A la muleta, sur la droite, Lengueto est comme un mouton. Padilla le torée de loin avec une tranquille vulgarité. Il prend la gauche, paf, le mouton est enragé. Il lui vient droit dessus, le télescope, l'écartèle, le défenestre, l'étrangle, l'assomme, le reprend par terre, le suspend à sa corne, l'agite comme un vieux tapis, le laisse comme un chiffon.
On craint le pire. Non. Padilla revient, l’habit en lambeaux. Ses confrères Rafaelillo et Valverde l’embrassent. Il mouline quatre manoletinas industrielles, tue Lengueto d’un coup d’épée délocalisé comme une usine de chaussures. Grosse