Sale temps pour les tricheurs. La montagne fut longtemps leur repaire. En un siècle d'épopée pyrénéenne, il y eut la face glorieuse des cols, où les héros triomphaient des éléments et de la douleur, et le versant plus sombre des filous adeptes de raccourcis en tous genres, des montées clandestines dans les trains et les voitures. Un ancien coureur des années 90 rapporte qu'en son temps, les naufragés du gruppetto escaladaient «certains cols plus vite que les premiers et sans mettre un coup de pédale» grâce à la générosité des spectateurs. L'Australien Stuart O'Grady, aujourd'hui coéquipier d'Andy Schleck, est connu pour avoir disputé le maillot vert en s'épargnant de coûteux efforts en montagne, cramponné aux voitures de directeurs sportifs.
Mais en 2010, les coups de règle pleuvent sur les doigts. Même les sprinters, la caste furieuse des maillots tirés et des queues de poisson, ont perdu l’un des leurs jeudi, l’Australien Mark Renshaw, pour triple coup de boule et écart dangereux sur la dernière ligne droite. L’histoire du Tour de France n’est plus coécrite par Machiavel et Bukowski, mais par Bossuet et Enid Blyton. Un vrai condensé de morale bourgeoise. Le sadomasochisme n’est jamais loin, comme lorsque les cinq commissaires UCI (Union cycliste internationale), qui surveillent l’arrière de la course à moto, interdisent aux voitures d’équipes de remorquer vers le peloton les hommes pleurant sang et larmes, victimes d’une chute. Hier, le peloton était luxure. Il doi