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Libération
EDITORIAL

Cailloux

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publié le 11 août 2010 à 0h00

Seuls trois pays ont fait de leur déroute au Mondial une affaire d'Etat : la Corée du Nord, le Nigeria et la France. Si l'on en croit les informations venant du royaume ermite de Kim Jong-il, l'entraîneur fautif a été publiquement humilié ainsi que les joueurs perdants. Le coach aurait même été envoyé casser des cailloux. Le sélectionneur français n'a pas été aussi durement puni. Mais lui aussi a dû s'expliquer à huis clos - on n'ose imaginer les secrets d'Etat en jeu - au Palais Bourbon. La France a aussi lancé plusieurs enquêtes, dont une par le Parlement qui n'a sans doute rien de mieux à faire en ces temps de crise. Le Président, pas en reste, a même reçu un vétéran du Mondial plutôt que des ONG qui voulaient lui parler de pauvreté. On a eu droit aussi à tous les tacles possibles entre joueurs, avec de nauséabondes interprétations racistes, entre joueurs et sélectionneur, et entre joueurs et presse. Un loser se distinguant en accusant l'Equipe du fiasco. Les Bleus deviennent ainsi une allégorie doloriste de tous les drames de la France. A l'inverse de l'équipe de 1998 qui fut, l'espace d'un été, le symbole heureux d'une France plurielle. Ce qui n'empêcha pas, quatre ans plus tard, d'avoir Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle. A se demander si l'on n'a pas oublié que le football était avant tout un sport et un divertissement, et non cette projection ambiguë que les Français s'obstinent à construire. Et si on laissait les joueurs jouer au ballon,