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TRIBUNE

Corrida : en finir avec un patrimoine méditerranéen ?

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par François ZUMBIEHL, écrivain
publié le 17 août 2010 à 0h00

Le Parlement catalan vient de voter la fin de la corrida. Les motivations, ou du moins les arrière-pensées qui ont conduit à ce scrutin, touchent plus à la politique - le souci de prendre des distances avec le reste de l’Espagne - qu’à des questions éthiques ou culturelles. Il n’en reste pas moins étrange que les élus de Catalogne aient décidé de supprimer sur ce territoire une fête baignée par les rêves obsédants qui ont marqué notre civilisation née sur les bords de la Méditerranée. Comme la tragédie grecque, l’opéra italien et les semaines saintes andalouses, cette fête jette une lumière crue sur la peur, le sang et la mort, pour aussitôt les transfigurer par une catharsis artistique d’un genre particulier.

La corrida est, plus encore que la représentation, l'expression vivante du mythe de Thésée et du Minotaure, y compris dans son épisode le plus sombre, celui de la descente aux enfers. A partir du grand Belmonte, qui provoque la révolution esthétique de l'art taurin dans les premières décennies du XXe siècle, l'essence du geste torero - passes de cape, de muleta et estocade - consiste à s'immerger dans le royaume des ombres, de l'animalité, de la mort. Aujourd'hui, plus que jamais, on torée en baissant la main autant qu'il est possible, ce qui revient à donner l'impression que le torero accompagne le taureau dans sa plongée, fût-ce par l'inclinaison du regard ou de la tête. Grâce à l'enchaînement de ces passes par le bas, et grâce au temple - il s'agi