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Libération

Les vieux soldats ne meurent jamais

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publié le 14 février 2011 à 0h00

Aux premières images du Staid Aviva de Dublin, une moue acide vrilla les lèvres de Mary O'Ferry. Sous le bec de la pompe à bière, le verre demeura figé dans sa main, laissant basculer la couronne de mousse à la façon d'une meringue alanguie. Tout un symbole, ce stade flambant neuf, loges panoramiques, boutiques et places popu à 200 euros. On avait décidé de faire table rase du passé, de démolir l'antique Lansdowne Road, rendez-vous des bouffeurs de patates, pour ériger à son emplacement une enceinte digne des jeunes seigneurs de l'Irish Stock Exchange. Jaysis ! Peu après le premier coup de pelleteuse en 2007, le tigre celtique avait chopé le scorbut du billet vert et gisait désormais pattes en croix sous assistance respiratoire des vétérinaires du FMI.

Contrainte de quitter Limerick, Mary avait trouvé refuge comme des milliers d'Irlandais de l'autre côté de la mare, plus exactement à Baltimore. Le Kavanagh's, pub authentique sur Guilford Avenue, était un repaire des flics de la crim locale. Drôles de types… Il leur arrivait d'y amener un collègue, raide mort, de l'étendre sur la table de billard puis, après avoir prononcé son éloge funèbre, d'entonner Body of An American des Pogues en sifflant des shots de gnole.

Lui, elle l'avait repéré depuis quelques semaines. Aussi tête brûlée et soiffard que beau gosse, l'inspecteur Jimmy McNulty. Génétiquement dépressif comme tous ceux dont les ancêtres avaient dû s'expatrier ou… rester. Irlandais pur malt… Entre McNult