Quand les patrons de Saur-Sojasun relèvent les copies en salle de presse, ça se termine souvent la marge barbouillée de rouge : «Zéro ! Vous croyez nous avoir compris ? Vous êtes hors sujet.» Pour fuir le trac, il faut effeuiller le sujet bourré de millepertuis, une pierre d'alun sous les aisselles.
Car Saur-Sojasun, équipe novice sur ce Tour de France, se cherche encore elle-même. Elle se veut ambitieuse mais humble, patiente mais archipressée, intello mais il ne faut pas trop le dire. Elle s’attache à ne surtout pas ressembler à ses rivales. Son goût, c’est le dégoût du goût des autres.
Les architectes de l'équipe ont un peu lu Bourdieu et aussi Freud. Un jour, ils ont raconté à leurs coureurs effarés qu'ils étaient une bande de Nietzschéens. Renseignement pris, c'est parce qu'il existe «une activité humaine plus fondamentale que la connaissance, une valeur plus haute que la vérité : c'est la capacité humaine à inventer, à imaginer, à créer. Et c'est cette capacité qui nous donne envie de vivre.» Il n'en fallait pas plus pour que le peloton s'agace de ces snobs. Saur-Sojasun n'est ni une secte ni une annexe de la Sorbonne, mais elle détonne. Ses rivales se sont donc délectées de ses débuts difficiles sur le Tour.
Le leader du groupe, Jérôme Coppel, est un fils de charpentier. Du coup, certains voient en lui le nouveau Messie. La douleur le transcende. Coppel possède le mental d’un Zarathoustra nourri à la sagesse des montagnes. Dans les catégories de jeunes,