David Oliver, 29 ans, habite une villa toute blanche dans un lotissement sans arbres des environs d'Orlando (Floride). Dans son garage, deux Jaguar. A l'arrière, dans le jardin, une piscine tout juste assez large pour recevoir son corps de leveur de fonte. Dehors, des voisins aux regards suspicieux. «Ils ne savent pas qui je suis, mais je vois bien qu'ils m'observent un peu de travers. Un jeune Black avec deux bagnoles de luxe, qui ne se lève jamais tôt et bosse trois heures par jour… Ils doivent me prendre pour un dealer. Je ne serais pas étonné qu'un jour ils appellent les flics.» L'idée fait se tordre de rire celui qui s'alignera cet après-midi au départ de «la» course des Mondiaux : la finale du 110 mètres haies qui réunira les trois meilleurs performeurs de l'histoire sur la distance, lui-même (12''89), le Chinois Liu Xiang (12''88) et le Cubain Dayron Robles (12''87).
Fils d'une ancienne spécialiste du 400 m haies, privée d'une sélection olympique par le boycott des Jeux de Moscou en 1980, David Oliver se voyait bien gagner sa vie sur les terrains de foot américain, en défonçant à coups d'épaules les défenses adverses. Mais au lycée, un coach le prend à part et lui suggère de s'essayer à l'athlétisme. Il accepte l'expérience, se teste en longueur, puis se risque au triple saut. «J'étais nul», reconnaît-il. Un jour, l'entraîneur lui propose un essai sur 110 m haies. «"Dix obstacles, trois foulées entre chaque, à fond jusqu'au bout", m'a-t-il simplem