Vendredi, en début d’après-midi, la Nouvelle-Zélande a mis bas les marteaux avec la ferme intention de laisser flotter les rubans jusqu’à la finale. Sous un soleil fier à bras, des vagues venues de tout le Pacifique ont déferlé des collines vers le Wharf d’Auckland, Kiwis un rien pasteurisés et Tongiens hurleurs qui réussirent à mettre à leur rythme le tambourin de trois malheureux disciples de Krishna égarés au cœur de cette marée noire et rouge. Par-ci par-là, un béret ou un maillot frappé du coq suivis par des Anglais braillards (pléonasme) ou des Australiens un rien ramenards après leur victoire dans le dernier Tri Nations. Le monde du rugby avait réellement rendez-vous ici en une farandole bon enfant où des Argentins à tête de puma fraternisaient avec la gazelle des Sud-Africains. Mais, avant tout, la ville était Black, les rares habitants à ne pas se passionner pour le ballon ayant sauté sur une offre de billet d’avion aller-retour pour Londres à 600 dollars (400 euros).
Il fallait vraiment se trouver en terre sainte de rugby pour vivre une cérémonie d’ouverture sans emphase, tribale et tripale uniquement inspirée par l’histoire de deux îles, de deux peuples et d’un ballon. Et lorsque les All Blacks pénétrèrent sur la pelouse de l’Eden Park, arène ovale arc-boutée autour d’un pré sacré, descendit des gradins une standing ovation comme si les dizaines de volcans éteints cernant la ville se réveillaient brutalement. Un grondement, un mugissement, une onde tellurique, une