Alors que le trimaran Banque Populaire V de Loïck Peyron venait de débouler du nord quelque part dans la nuit noire pour couper la ligne d'arrivée du Trophée Jules-Verne au large d'Ouessant, établissant un époustouflant nouveau record autour du monde de 45 jours 13 heures 42 minutes et 53 secondes, un badaud admiratif s'est enthousiasmé : «Avant qu'il soit battu celui-là !»«Tu parles. On dit ça à chaque fois», lui a rétorqué son voisin, dont le regard brillant trahissait toutefois l'émotion. Vendredi, il était donc 23 h 14 et 35 secondes, lorsque le «viseur», chargé de constater la performance, a arrêté son chrono après avoir identifié les signaux radio et GPS, ainsi que les feux de signalisation de Banque Pop coupant cette fameuse ligne fictive, graal de tant de records marins.
«Pudeurs». Alors, les familles des héros, les partenaires qui ont financé cette aventure, les amis rejoints par quelques noctambules peuvent lâcher la bonde à leurs applaudissements et surtout aux embrassades et accolades. Un parfait moment de bonheur. A quelques kilomètres de là, la liesse est sans doute la même à bord du trimaran, mais comme l'a dit Peyron quelques heures plus tôt lors de la dernière vacation vidéo pour justifier cette arrivée dans les ténèbres : «Dans la marine aussi on s'embrasse, mais c'est que les marins ont leurs pudeurs.» Alors la nuit, c'est bien pratique pour se claquer la bise entre solides gaillards.
Madame Peyro