Il y a un an et demi, le cap Gris-Nez, haut lieu d'observation des oiseaux migrateurs du côté de Calais, a vu débarquer à la nuit tombée un curieux animal marin ballotté par le ressac. Parti le matin de Folkestone, Angleterre. Entre les deux, la Manche. 33,3 km que Philippe Croizon, 42 ans alors, a traversés à la nage, en treize heures vingt-huit minutes. Sans bras ni jambes. A la place : des prothèses, des palmes en titane et carbone, et une combinaison de tri-athlète. A quai, il faut bien le dire, l'attirail lui donne plus des airs d'aimable otarie bionique que de Jean-Marc Barr sortant des eaux du Grand Bleu. Ce 18 septembre 2010, à l'arrivée sur les côtes françaises, les caméras sautent sur cette incarnation du «dépassement de soi», cette «leçon de vie» qui sort toute chaude des flots pour les JT. Philippe Croizon, promu handicapé star, est à l'évidence un battant, mais «ni casse-cou ni superhéros», se défend-il à Paris où il est en ce moment en tournée médias pour la sortie de son livre témoignage. Yeux clairs, boule à zéro, sourire banane, épaules carrées sous un sweat blanc. On le dirait massif si, à partir des coudes, ce plus rien. Deux manches ballantes. Les jambes, deux prothèses calées sur le fauteuil électrique. A ses côtés, Suzana, sa compagne, lui porte la tasse de café à la bouche, lui tend le téléphone. Douce, patiente, là. Il raconte son histoire avec des airs de gamin qui en a une bien bonne, agitant ses moignons - il n'a
portrait
Philippe Croizon. Intouchable à palmes
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par Cordélia Bonal
publié le 12 avril 2012 à 19h36
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