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Libération

El Gallo, one-man chauve

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Mémoire . Il y a un siècle, l’hurluberlu de Séville créait une faena de génie.
publié le 10 mai 2012 à 19h06

La faena ? Une passe changée, une passe haute, une passe aidée par le bas, une naturelle, une autre passe aidée, trois naturelles, la dernière avec un changement de mains dans le dos, une estocade «a recibir» ratée, une passe changée, deux naturelles, une estocade «al volapié» foudroyante. Pas plus. Quatre minutes de sautillements à tout casser. Mais elle fait le 16 mai 1912 la une de l'ABC où les pastilles Crespo, «mentol y cocaina», 1,50 peseta la boîte, sont conseillées contre la toux. Dans le toreo contemporain, une telle brièveté, normale à l'époque, aurait été suivie soit d'un silence consterné soit de sifflets. Il y a cent ans, cette faena a été louée comme un chef-d'œuvre. Son auteur ? Le torero gitan, chauve neurasthénique et hurluberlu de Séville Rafael el Gallo dit Gallito, personnage insondable, Buster Keaton en habit de lumières, connu pour ses débandades et ses éclairs de génie. Son père, le torero Fernando «El Gallo» l'avait habitué très jeune à la météorologie changeante des humeurs taurines. Il l'entraînait en le pourrissant : «Fuera, fuera. Dehors, dehors, va travailler à la betterave.» Ou en le couvrant d'hosannas : «Olé, vive ta mère ! Quel morceau de torero !» Il en était resté à Rafael une sorte de flegme lunaire devant les éclipses et les épiphanies de son énigmatique carrière, dont il acceptait les dents de scie avec la fatalité de qui sait que tauromachie et caprice sont comme cul et chemise.

José