Le calvaire de Johnny Hoogerland était peint à l’huile et au sang. C’était un beau retable hollandais suspendu sur le maître-autel du Tour de France l’an dernier. Le cycliste en croix sur le podium, un barbelé en guise de couronne d’épines, le derme criblé comme chez Grünewald. Deux femmes priaient sur le côté et les apôtres du vélo se désespéraient que leurs champions fussent mortels.
Quelques minutes plus tôt, à l’approche de Saint-Flour, le tableau était hideux dans ce champ du Massif central où l’embardée d’une voiture de presse avait transformé Hoogerland en gisant verdâtre. Il avait les jambes épluchées par une clôture. Il se tenait roide et recroquevillé. C’était le Christ de Holbein, celui qui fait perdre la foi.
Le directeur du Tour, Christian Prudhomme, a parlé de «scandale». La reine et le Premier ministre des Pays-Bas clamé leur empathie. Hoogerland a fini la course vaille que vaille. A la vue des trente-trois points de suture, même les plus mécréants ont été convertis. Son vélo cabossé s'est vendu 6 200 euros au profit d'associations caritatives et le barbelé du supplice 1 620 euros. Des bouts de reliques sont exhibés désormais sur les champs de foire, aussi authentiques que les kilomètres de vraie Croix.
Martyr. Il n'a pas fallu longtemps pour que des rivaux moquent cette dévotion et s'interrogent. La souffrance était-elle réelle pour un coureur assommé aux analgésiques ? Selon eux, le miracle relève de la supercherie. Comme il n'y a pas