Lorsque David Millar lance un sortilège à ses admirateurs, les yeux tournent comme des toupies dans les orbites et la petite bande marche dos contre terre, posée sur la pointe des ongles. Le repenti le plus fameux du peloton, capitaine de l'équipe Garmin-Sharp pour son dixième Tour, envoûte au moyen de ses interviews méditatives, lyriques ou crues. Du genre : «Maintenant, je suis bien dans ma peau. Peut-être qu'avant je ne savais même pas ce que c'était, ma peau.»
La voix est un nuage d’opium. Le regard, deux nénuphars bruns baignant dans le clapotis de leurs chagrins. Seul un exorciste du Vatican peut guérir de cette séduction possédante. Jadis ballotté d’un continent à l’autre pour suivre son père pilote de ligne, l’Ecossais cabossé sent bon la fougère. On l’aime à coup sûr. Ou plus franchement, on le prend en pitié comme un épagneul au bord de l’euthanasie. Millar, lui, s’est fait piquer le 23 juin 2004 pour dopage. Son équipe, Cofidis, est au centre d’une enquête, son téléphone sur écoute. Les policiers l’arrêtent au restaurant, un soir qu’il dîne avec David Brailsford, un cacique de la fédération britannique, aujourd’hui le puissant patron du Team Sky. Au domicile de Millar, on retrouve deux ampoules d’EPO vides. Il passe aux aveux. Il s’est chargé en 2001 et 2003 - mais surtout pas en 2000, quand il remporte à 23 ans le contre-la-montre inaugural du Tour, devant Lance Armstrong.
Dandy. Ce fait divers est un atout majeur pour s'imposer dans la ch