«Monsieur Clay, c'est votre quatrième combat contre Joe Frazier… - Le troisième, man… et je m'appelle Muhammad Ali. Tu le fais exprès de jouer au Blanc ? - Oui. - Alors, tu le joues bien.»
Et il a un sourire à faire fondre toute la connerie du monde. Avec Ali, il faut se mettre en condition, plutôt inférieure. D'abord, on fait face à 1,91 m de chair sculptée, un fétiche massif et souple, d'une beauté de prince héritier renvoyant l'homme blanc à ses portemanteaux. Ensuite, ce fétiche est toujours plus malin que ceux qui l'épinglent. Jouer au plus fin avec lui, c'est mourir un peu, sous les mots ou sous les coups. Depuis sa conversion à l'islam, entre sourire et sourate, Ali l'objecteur, Ali le bonimenteur, Ali le conquérant ne veut pas qu'on l'appelle Cassius Clay. Il faudrait habiter sur Mars pour l'ignorer (la Lune, les Blancs s'y sont installés). Il y a huit ans, Ernie Terrell commet l'erreur avant leur combat. «Il m'a appelé par mon nom d'esclave, dit Ali, je vais le démolir.» De round en round, Ali le poursuit et lui met corps et tronche sur l'enclume, méthodiquement, en forgeron danseur et déchaîné. En le poursuivant, il lui crie : «Quel est mon nom ? - Oncle Tom ! - Quel est mon nom ? - Oncle Tom !» Ce doit être ça, l'enfer : être noir et être traité d'Oncle Tom pendant quinze rounds par le héros qui vous aveugle et vous démolit.
«Pourquoi appelez-vous Frazier "Oncle Tom" ? - Il parle, on ne comprend rien. "Ch'ai pas", "