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Interview

«Lance Armstrong ne s’est pas dopé, il s’est trop dopé»

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Le sociologue Christophe Brissonneau revient sur l’utilisation de substances dans le sport professionnel et son amoralité :
publié le 24 août 2012 à 21h36

Pour le sociologue et chercheur au Cerses (1) Christophe Brissonneau, le dopage ne relève pas de la morale commune. Il a publié, en 2008, l'Epreuve du dopage, sociologie du cyclisme professionnel (2), avec Olivier Aubel et Fabien Ohl, étude établie à partir de témoignages de cyclistes professionnels. Ils montrent que la notion de dopage varie selon les époques, les milieux, les produits, les réglementations - une substance est licite un jour, illicite le lendemain -, rendant impossible une définition universelle et intangible de la pratique.

Peut-on juger Lance Armstrong selon des critères moraux ?

Tous les coureurs prennent des produits. La pharmacopée - produits légaux et illégaux - fait partie de la pratique sportive de haut niveau. La seule différence avec les autres coureurs, c’est qu’Armstrong est allé «trop loin». Il n’a pas dominé, il a «trop» dominé. Son corps était une cornue de chimiste. Il n’utilisait pas seulement les produits dopants existants, il était capable de se procurer ceux qui n’étaient pas encore sortis sur le marché.

Dans ce cas, peut-on considérer qu’il a triché ?

La morale des champions cyclistes n’est pas la même que celle des gens extérieurs à leur milieu. Prendre des produits fait partie de leur quotidien, c’était une composante de leur entraînement. Pour eux, Armstrong ne s’est pas dopé, il s’est trop dopé. Corollairement au processus de scientifisation, la pharmacopée est devenue une réalité dans le sport de haut niveau depuis les années 80. Le sportif ne prend plus de médicaments pour se soigner mais pour améliorer sa santé. Tout comme la di