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Libération

Rêves et délires de marins solitaires

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par Marc Guillemot, (skippeur de «Safran»)*
publié le 13 décembre 2012 à 20h06

On a beau s’en rapprocher, l’horizon paraît toujours inaccessible. Il se rapproche du bateau lorsque les conditions sont musclées et les couleurs bien marquées. Il s’éloigne, au contraire, lorsque le temps est au beau et que l’air est pur. Là-bas, dans l’océan Indien, au milieu de nulle part, Armel et François, sur leur puissante machine, ouvrent les portes, celles des glaces. Elles ne resteront pas longtemps ouvertes ; derrière, les autres devront forcer les gonds pour se créer un passage.

A ces latitudes pas encore très Sud, le confort est réduit au strict minimum, non pas que la taille des couchettes ait diminué, mais la vitesse, le bruit, les embruns, l’humidité, le froid et, peut-être encore plus le stress, rendent la vie à bord difficile. Les efforts pour accomplir toutes les tâches normales d’un solitaire se compliquent. A ces moments-là, on aimerait que la mer se lisse, que les rayons du soleil pénètrent nos corps engoncés, que les oiseaux marins signalent le grain, que les dauphins alertent des glaçons migrateurs. La chute pourrait être violente, ce n’était qu’un rêve, qu’une envie. Lorsque les yeux s’ouvrent et que la tête émerge de sa torpeur, il faut atterrir et faire face à la réalité. Aucun signe extérieur, même imaginé au plus profond de soi n’adoucira, le quotidien, il faut tenir, ne rien lâcher malgré le chant des sirènes dilué dans un nuage d’embruns laissés par le sillage.

Le Vendée Globe, c’est aussi cela, là où rêves et délires solitaires tranchent avec le