Si depuis Barthes, il n’est plus à démontrer que le Tour de France fut une épopée, reste à dire en quoi elle fut à ce point française. Il fallait qu’il y eût Bobet, puis Anquetil, puis Poulidor, puis Hinault pour qu’on puisse lire, à travers les avatars du vélo et la modernisation du cyclisme, une vraie histoire de France bis. Cette histoire avait besoin de héros et elle les eut. Certains furent réellement héroïques, d’autres se contentèrent de dominer la compétition. Et quand quelqu’un dominait «de la tête et des jambes», cela ne manquait pas de faire problème. Jacques Anquetil domina le cyclisme mondial de la tête (qu’il avait froide) et des jambes (qu’il avait robustes), mais pas «du cœur» (bien que son rythme cardiaque fût d’une extrême lenteur).
Dominer sans être aimé en retour est la croix de certains sportifs. L’histoire cyclo-épique de la France de l’après-guerre combine étrangement les «règnes» successifs de «patrons» très différents. Bobet gagna et fut aimé, Poulidor ne gagna pas (nous parlons du Tour de France) mais fut très aimé et, entre les deux, Anquetil gagna et ne fut pas aimé. Il commença comme l’anti-Bobet et finit comme l’anti-Poulidor, et s’il marqua son époque et son sport, peu lui surent gré d’être - défi suprême - lui-même et rien d’autre.
On a beaucoup glosé sur le couple Anquetil-Poulidor, manne pour le prêt-à-penser sociologique sur la France profonde (les deux hommes, ne l’oublions pas, représentent deux façons d’avoir été paysan). Celle-ci préféra