Un matin de mai 2012, un homme en costume, seul devant sa glace. Il a un peu peur de froisser le bas de sa chemise neuve, alors il attend, nerveusement, en chaussettes sur le carrelage de la salle de bains, de réussir son nœud de cravate pour enfiler le pantalon. La tête dans la boucle, on tire et… voilà, c’est parfait. Il s’ausculte. Les bouclettes grises, les sourcils impeccablement noirs, sur son visage, il reste un peu du soleil d’un week-end en Bretagne. Dans deux heures, il sera ministre de la Jeunesse et des Sports. Il y a six ans encore, on l’appelait Raymond le banni et on adorait le détester.
Raymond, ce type toujours étonné de voir son équipe prendre une volée, ce coach dont on rappelle à chaque débat qu’il n’a jamais rien gagné, à part peut-être le tournoi de Toulon, une compét pour bleusailles. Ce Raymond-là, champion du monde. Le plus grand coup de bluff de l’histoire du foot. Pendant des années, il a fait semblant, et le voilà maintenant qui balaye les questions sur sa force, la botte secrète qu’il a si longtemps gardée dans sa manche pour la dégainer chez les Allemands, dans ce Mondial mal engagé qui a fini par une fessée aux Italiens. Aux pénos.
Fléchettes. C'est une minute restée suspendue bien au-delà de ses soixante secondes : David Trezeguet desserre l'étreinte du pote à sa gauche. Il quitte le rond central et marche vers le but. La tête basse, il ramasse le ballon qu'un Italien a laissé rouler derrière le point de penalty. Il y a l'arbitr