Ueli Steck a le vertige. L'intrépide alpiniste qui dynamite les records de vitesse sur les parois les plus abruptes des Alpes ou de l'Himalaya, le météore suisse qui, à 37 ans, collectionne les solos éclairs à des altitudes vertigineuses, le confie sans détour. A peine arrivé à Grenoble pour les Rencontres du cinéma de montagne, et la projection de quelques images de l'ascension époustouflante qu'il vient d'accomplir en Himalaya, ce gabarit fluet mais affûté, aux grands yeux bleus, se dit «content», mais «pas heureux». Est-ce l'effet de la polémique qui a suivi son exploit ? Certains ont reproché au Suisse de n'avoir rapporté aucune photo de lui au sommet de la face sud de l'Annapurna, à 8 091 mètres d'altitude - qu'il a gravie, en solo, en seulement ving-huit heures -, et nimbent de doute cet exploit. Mais il s'en contrefiche. Il s'est expliqué : dans les pentes de glace, calé sur les pointes avant de ses crampons, ébranlé par une avalanche, il a lâché appareil photo et sur-gants pour s'arrimer à ses piolets. «Est-ce que j'aurais dû faire demi-tour parce que j'avais perdu mon appareil ?» interroge-t-il, lapidaire. Les grincheux semblent oublier que cet alpiniste hors normes a déjà accompli une performance sidérante en Himalaya : l'escalade éclair et en solitaire du Shishapangma, en 2011, à plus de 8 000 mètres d'altitude.
Non, ce qui oppresse Steck depuis son retour chez lui, à Interlaken, est un vertige intime, ce vide qui suit l'accomplissement d