Il était devenu au fil du temps l’archétype du promeneur tropical, arpentant le quartier lisboète de Benfica, répondant d’un signe discret à ceux qui le saluaient en le croisant : un mythe détendu, amolli, claudiquant (six opérations à un genou gauche ravagé par les infiltrations) et rameutant toujours à la nuit tombée deux ou trois copains avec qui il refaisait le foot.
Mort hier à 71 ans d’un arrêt cardio-respiratoire à Lisbonne, Eusébio da Silva Ferreira, dit Eusébio, a sa statue en bronze au musée de Boston. Le plus grand joueur de foot portugais - Cristiano Ronaldo est en mesure de lui chicaner ce titre - ne s’est jamais départi pour autant de cette nature relâchée, un peu absente, qui fit aussi de lui l’un des hommes les plus en retard (caler un rendez-vous avec lui était impossible) de toute l’histoire du jeu préféré des hommes ; manière de dire aussi que même l’argent n’y pouvait rien.
Formellement, Eusébio est sans doute aujourd'hui le meilleur joueur à avoir vu le jour en Afrique, ce qui n'est pas peu dire : à Lourenço Marquès, l'actuel Maputo, capitale d'un Mozambique qui était alors une colonie portugaise. Il racontera son enfance dans France football en 2006 : «Issu d'une famille modeste, ce n'était pas facile pour moi, d'autant que j'avais perdu mon père à l'âge de 5 ans. Mes huit frères et sœurs essayaient de s'en sortir grâce à l'école mais moi, je n'étais pas très assidu. Je m'évadais avec mon ballon sur les terrains sauvages de mon quartier de Mafal