Il en a chialé. De l'avoir fait. D'avoir vécu la France au plus près. Sur la frontière, exactement. De s'être cogné cet Hexagone imparfait, d'avoir bouclé cette boucle imaginaire, absurde et diablement réelle. D'avoir marché, grimpé, pédalé, nagé, pagayé, navigué sur près de dix mille kilomètres, d'en avoir parcouru cinq cent mille en dénivelé, soit cinquante fois l'Everest. D'avoir redessiné la carte et circonscrit le territoire avec ses tripes, son souffle, son envie. Au sommet du «Blanc» (AOC certifiée par ceux qui bouffent de la pierre et du vide), altitude 4 810 mètres, l'émotion a déboulé. Diaphragme bloqué sur un staccato de circonstance, à sa femme il a bégayé : «Véro, on est au mont Blanc. Merci Véro.» Lui, c'est Lionel Daudet, 46 ans, alpiniste à la verticalité éprouvée et écrivain récidiviste parti à la poursuite d'une utopie magnifique de géographe frappadingue.
On le rencontre chez son éditeur. Pile le jour de son anniversaire. Bêtement, on s’inquiète. Son portable va sonner, vibrer, saturer de messages. S’illuminer d’émoticônes à piolet ? Mais non, dans l’escalier, pas un bruit, juste le caoutchouc des semelles sur les marches. Le grimpeur a la foulée souple, leste, légère. Hasard de circonstance ou volonté d’illustrer le principe d’autonomie, l’ascenseur s’est arrêté deux étages avant le sommet. Aucun problème, Daudet a l’éthique montagnarde chevillée au corps, les camps de base se rejoignent à pied. Pourtant, à l’extérieur, Paris grisaille de particul