Un lundi au soleil. Toulon s'éveille lentement ; seuls les embouteillages tranchent avec l'indolence du matin. Au centre d'entraînement de la fierté de la ville, le Rugby Club toulonnais (RCT), le patron Mourad Boudjellal s'anime déjà. Il arbore son look éternel - jeans et tee-shirt noirs - et tend une main ferme. De son regard vert agate, il invite alors à le suivre dans son bureau. S'installe sur un siège en cuir noir et rouge aux couleurs du club, chausse ses lunettes et consulte sa messagerie électronique. L'air sérieux : «Encore un mail de Clara Morgane, ça commence à tourner au harcèlement.» Puis, franchement hilare : «Non, elle n'est pas à la recherche de places pour un match, cela doit être un peu plus intime que ça…»
Punchlines définitives
Il croise les bras et cherche à connaître les raisons de notre présence. «Je suis étonné de voir que les médias s'intéressent encore à moi après tant d'années. C'est peut-être parce que je m'appelle Mourad Boudjellal, et qu'en France il y a toujours ce côté misérabiliste envers les enfants d'immigrés. Ici, on adore rester dans le cliché sur l'Arabe qui part de rien et qui réussit.»
«Le cliché» voit le jour en plein cœur des Trente Glorieuses, au printemps 1960. Il est le dernier d'une fratrie de quatre et grandit au «Petit Chicago», le surnom d'un quartier populaire de la basse ville où les bars à filles côtoient la violence sociale et les drogues : «Ce n'était pas une cité, c'était pire : une prison.»