Il partait à droite. Tout le monde le savait, mais aucun défenseur, du temps de sa splendeur, sous les maillots du Botafogo et du Brésil, n’a jamais réussi à bloquer Garrincha. Excentré sur son aile, il faisait face à un ou deux «João», ainsi désignait-il les arrières adverses, réduits aux yeux du magicien à des pantins, des anonymes. Garrincha était à l’arrêt, João sur ses gardes et la foule retenait son souffle : qu’allait-il faire ? Un, deux, trois passements de jambes ? Combien de feintes, de faux départs avant de se faufiler en trombe vers la ligne de but ? L’arrière reculait, scrutait les yeux, les jambes, le pied d’appui de Garrincha, hésitait à se jeter, trépignait, reculait encore et perdait pied. Quelquefois, Garrincha revenait en arrière pour reprendre son exhibition diabolique et les défenseurs tombaient à la renverse ou se télescopaient, ridicules, humiliés.
Olé ! Garrincha était un obsédé sexuel, débile et alcoolique de surcroît, mais il fut la joie du peuple. On allait au stade comme on allait au cirque suivre les numéros de Garrincha le clown, le plus génial dribbleur de l'histoire, champion du monde 1958 et 1962 aux côtés de Pelé. Garrincha-Pelé, tandem fracassant et invincible : les Auriverde n'ont jamais perdu quand ils alignaient leurs deux vedettes. Depuis, dans l'imaginaire collectif, le Brésil est football, le football brésilien, et les dribbleurs les étoiles filantes de ce football champa