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Libération
Lettre à...

Cher Paul Pogba, aux frémissements de centaure indompté…

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Coupe du Monde de football 2014 au Brésildossier
Paul Pogba contre le Honduras, le 15 juin. (Photo Rodrigo Buendia. AFP)
publié le 17 juin 2014 à 18h56

Mon cher Paul, sincèrement, j’ai beaucoup aimé ta somptueuse ruade de yearling excédé par la lourde bêtise du forgeron adverse, dimanche soir face au Honduras. Tu t’es fait cisailler les jarrets, on t’a malaxé les protège-tibias, et tu as réagi avec une fougue battant l’air, avec une hauteur dans la tatane dansée comme une sardane. On se serait cru dans un tableau d’Ucello, où le lancier désarçonné aurait balancé à la rivière le code de chevalerie pour laver l’affront à pieds nus. Si tu as échappé au carton rouge, ce n’est pas parce qu’à tout péché miséricorde, mais parce que la fulgurance de ton talent impressionne jusqu’au corps arbitral : il a bien conscience que ta facilité aimante la jalousie à front de taureau. Ou alors, c’est parce que la chance est bonne copine avec la juvénilité.

Ta prestance dans la vengeance immédiate et dans la rétorsion chaleureuse a fait blêmir jusqu'à Deschamps, surgé roublard et maquignon matois, qui aimerait tant taveler ta jeunesse des tâches de son de sa vieillerie, museler tes bravades et dompter ta bravoure. Oui, oui, je sais, je ne devrais pas chercher mes métaphores dans le monde animal, quand il s'agit du corps des hommes, de leur intelligence en actes et de leur beauté technicienne, qui font du football des moments de sensations signifiantes, d'émotions réflexives. Mais je n'y peux rien : il y a chez toi un côté cavalier pas du tout chevalin, des façons de centaure amaigri à l'enthousiasme dressé sur le pavois, une allégresse de caval