A quelques minutes du coup d'envoi, Marion, la trentaine endimanchée, peste : «C'est chiant, j'arrive pas à la couper en petits morceaux.» Evidemment, elle ne parle pas des Algériens mais de sa Currywurst noyée dans le ketchup. Comme elle, des dizaines de fans de la Nationalmannschaft peuplent le Kiez (1), le nouveau bar branchouille de la diaspora allemande de Paris. S'il y en a un qui a gagné sa soirée, c'est le propriétaire de la Ford Fiesta BB-546-Bip,bip, garée pile devant, et sur laquelle sont assis une bonne quinzaine de soiffards. Sur le toit de la voiture, une, deux, huit, seize, soixante-deux pintes trônent déjà, vides. Il est 21h51.
Les joueurs entrent sur le terrain. Un supporteur des Bleus égaré, maillot de 98 sur les épaules, se veut pragmatique : «Bah, on va supporter l'Allemagne.» Ses potes acquiescent, fiers de cette idée de génie. L'hymne allemand est repris à tue-tête. Ici, le taulier, Niklas, est hambourgeois et il a rameuté ses compatriotes sur les réseaux sociaux. Ses semblables sont tellement nombreux que certains tentent d'apercevoir l'écran depuis... le trottoir opposé. Louis, 28 ans, un chouia replet, est comme un coq en pâte. Sa compagne regarde le match en streaming dans son lit. Il annonce : «Ce soir, je me colle une charge. Je bosse demain mais tant pis, c'est la Coupe du monde, merde. France-Allemagne en quart, c'est parfait.»
«C'est roue libre»
A la mi-temps, (il ne s'est pas passé grand chose en première mi-temps alors on avance un peu)