Je suis arrivé à Rio dans la nuit de jeudi à vendredi, sous la pluie, après plus de 6 500 km de route. J'ai enregistré cinquante-cinq heures d'images pour mon film, et il me reste trois jours avant la finale. En partant de Salvador, j'étais déçu car il y a trente ans, quand j'y suis venu, c'était une ville pleine d'entrain et de musique. Aujourd'hui, c'est une ville où l'on ressent corporellement la violence du Brésil. Dans la foule serrée devant l'écran géant du match Brésil-Colombie passaient des groupes de jeunes. Ils faisaient les poches, je me suis d'ailleurs fait voler mon portable. On voyage ici plus difficilement qu'il y a trente ans, car le sentiment paralysant d'une possible agression est toujours présent. J'ai rencontré au musée Bauer Sá, un artiste noir qui fait des photographies sur la domination des Blancs. Gilberto Gil dit que le racisme régresse au Brésil. En voyant une photo d'un visage noir sur lequel était posée une chaussure blanche, je me suis souvenu de la seule phrase intelligente de Ronaldo, à qui on demandait s'il avait déjà été victime du racisme : «Oui, quand j'étais encore noir.» Il voulait dire «pauvre». Le racisme reste un problème de classe, un problème d'exclusion sociale.
Avant Brésil-Allemagne, je suis allé voir un prêtre candomblé, religion apportée par les esclaves qui cachaient leurs rites derrière les symboles chrétiens. Elle est combattue par les évangélistes. Ce prêtre ne voulait pas faire d'oracle sur ce match mais souhaitait