C'est une arête splendide dans l'ombre du mont Blanc. Suspendue au-dessus de la Combe maudite, elle se déploie jusqu'à 4 465 mètres d'altitude. Un bel itinéraire d'alpinisme. Mais c'est à skis que Vivian Bruchez, 28 ans, l'a descendue. On a beau se repasser les images scotchantes de cette descente, on peine à comprendre comment on peut défier ainsi les lois de la gravité, «skier» une corniche qu'en crampons-piolets la plupart d'entre nous graviraient et descendraient avec précaution. Plus d'un an après, dans un café de Chamonix, le skieur peut décrire, mètre par mètre, courbe après courbe, cette descente de haut vol. Emerveillé par la beauté de cette «ligne très engagée», il raconte l'émotion, les «larmes d'adrénaline». Plus que de la fierté, c'est de la joie qu'on trouve dans les yeux bleus du jeune homme aux cheveux en pétard. «J'avais l'impression de skier dans le ciel. C'est comme un balcon dans les airs avec, de chaque côté, pas moins de 600 mètres de pente vertigineuse !» Soit une «no fall zone», comme disent les skieurs américains de ces parois alpines où la faute de carre est fatale, et la chute n'est pas une option.
Quand on l'interroge sur ce qu'un skieur, de l'extrême ou de l'impossible, peut bien aller chercher dans ce milieu hostile aux spatules, sur ces pentes inclinées à plus de 45°, Vivian Bruchez tique. «L'appellation "ski extrême" me dérange. Je ne cherche pas l'exposition la plus importante, la pente la plus raide, ma