L'OM a beau être en net recul sportif avec une seule victoire (2-1 devant Guingamp le 18 janvier) en quatre matchs depuis la trêve hivernale, son entraîneur argentin, Marcelo Bielsa, continue d'émerveiller en conférence de presse - il n'accorde aucun entretien particulier - dans des proportions inédites, du moins pour ceux qui se farcissent les discours des coachs de Ligue 1. Jeudi, en préalable à la rencontre Marseille-Evian-TG de samedi comptant pour la 23e journée de L1, le natif de Rosario s'est par exemple vu demander si ses attaquants, en difficulté depuis quelques semaines, travaillaient devant le but. Et les présents ont encore pris une leçon de football : «Je crois qu'il n'y a aucune manière de corriger le fait que la frappe d'un attaquant rentre dans le but ou pas. Ça fait très longtemps que j'y réfléchis. Un joueur qui arrive à ce niveau dispose normalement d'une grande richesse technique. Il arrive à bien exécuter les gestes de manière générale, mais ce qu'il arrive moins à faire, c'est de se mettre en bonne position sur le terrain pour se mettre en situation d'effectuer son geste. Ce qu'on peut faire, donc, c'est travailler les déplacements permettant de se mettre en position devant le but plutôt que de travailler les gestes techniques eux-mêmes.»
A marée haute ou basse, Bielsa ne change rien : le foot, rien que le foot. Et tant pis si ça n’intéresse personne, à commencer une assistance curieuse de voir s’estomper l’aura d’un type capable d’effacer médiatiquement Zlatan Ibrahimovic.
Auréolé. Après, le vent a tourné. Plus un joueur qui ne se voit poser la question de confiance sur la «méthode Bielsa», censément épuisante - on presse l'adversaire partout sur le terrain, jusqu'à y laisser la dernière goutte d'essence -, même si elle a beaucoup fait pour le pouvoir de séduction de l'équipe : une mèche courte, en quelque sorte. Jeudi, le préposé était le gardien et capitaine, Steve Mandanda, venu pour calmer le jeu comme toujours : «Je ne ressens pas les limites dont vous parlez. Au contraire, le coach a toujours des idées quand quelque chose ne va pas, des trucs nouveaux.»
Ou pas : le cas Doria est devenu la pierre de touche du management Bielsa, le marqueur de son pouvoir. Une histoire extraordinaire circule sur le défenseur de 20 ans, transféré pour 5 millions d’euros cet été depuis son club de Botafogo et auréolé de son statut d’international espoir - pas rien pour un Brésilien : quand il est monté dans l’avion pour rallier son nouveau club cet été, il ne savait pas au juste s’il allait atterrir à l’OM, au Benfica Lisbonne ou à Lyon. Aussi gros que cela puisse paraître, dans le milieu, l’histoire est crédible.
Elle dit surtout que Bielsa n’en voulait pas, ne le connaissait pas : du coup, l’entraîneur ne lui a pas accordé une seule minute de jeu depuis, préférant faire jouer à son poste d’arrière central des joueurs de côté ou extirpant le modeste Baptiste Aloé de l’équipe réserve.
Grande gueule. Le message est clair, c'est celui qu'avait émis un personnage interprété par Glenn Ford dans un western fifties : à chaque fois qu'il arrivait dans une ville qu'il ne connaissait pas, celui-ci demandait aux passants où l'on pouvait trouver l'inévitable grande gueule locale, à laquelle il cassait la figure histoire de gagner le respect et la paix de l'esprit.
Doria est un symbole : la primauté inaliénable de Bielsa sur le domaine sportif. Depuis quelques semaines que les résultats sont moins bons, la question Doria est récurrente lors des conférences de presse. Bielsa explique que le joueur est prêt, qu’il en est content et qu’il fera appel à lui si cela répond de son point de vue à une logique sportive. Bien sûr, celle-ci ne vient jamais. On ne sait pas comment l’histoire de Bielsa va se terminer à l’OM. Mais il ne lâchera rien à personne.