De retour chez lui, ou presque. Pour la première fois depuis son départ de Clermont au printemps 2014, Vern Cotter retrouve la France dans son nouveau costume de sélectionneur national. A la tête de l'équipe d'Ecosse depuis mai, le Néo-Zélandais doit relancer le XV du Chardon en vue du Mondial anglais, en septembre. Pour son premier Tournoi des six nations, le hasard veut qu'il affronte l'équipe de France d'emblée. «Il va jouer ce match à la vie à la mort», assurait à Rugbyrama Benjamin Kayser, qui a officié sous ses ordres pendant trois ans à Clermont. Les Français sont prévenus.
Vern Cotter a débarqué en Ecosse il y a dix mois, après huit ans à Clermont et une défaite à domicile contre Castres, la fin d'une série d'invincibilité de 77 matchs au stade Marcel-Michelin. «C'est dommage, mais c'est la loi du sport», avait simplement lâché le coach auvergnat, ému de quitter la terre qui l'avait révélé en Europe, lui, le premier entraîneur à ramener le bouclier de Brennus sur la place de Jaude, en 2010.
Fermier. En France, il a connu les terrains en tant que joueur avant d'y revenir comme entraîneur, après un interlude sur les bancs néo-zélandais. Au total, ce fils de fermier a passé plus de quinze ans dans l'Hexagone et hérité à jamais d'un accent du Sud-Ouest lorsqu'il s'exprime en français. En Ecosse, Vern Cotter, 53 ans, espère prendre une dimension internationale, avant de postuler chez les All Blacks, son rêve de toujours. «Après la Coupe du monde 2015, je ferai le Tournoi des six nations 2016, et après je partirai sans doute à la recherche d'une nouvelle aventure», confiait-il au Monde avant de quitter le Top 14. Sa trajectoire s'inscrit dans le parcours classique des grands entraîneurs kiwis révélés au pays avant de s'aguerrir en Europe. Comme lui, les sélectionneurs gallois et irlandais sont néo-zélandais et rêvent de marcher dans les pas de Graham Henry, l'ancien coach du pays de Galles, champion du monde avec les Blacks en 2011.
Avant cela, Vern Cotter doit relancer une sélection sur le déclin depuis le début des années 2000. «On ne m'a pas assigné comme objectif de remporter le Tournoi, on m'a demandé de faire du mieux possible avec ce que j'ai en ce moment», confiait-il cette semaine. Ses premiers résultats sont encourageants, avec notamment deux victoires face à l'Argentine, qui a dominé la France en novembre.
«Il n'a pas encore battu d'équipes mieux classées», relativise Alasdair Reid, journaliste à l'Herald Scotland. «Ce Tournoi serait satisfaisant si l'Ecosse battait l'Italie et une autre équipe à domicile», ajoute-t-il, admettant qu'une quatrième place ferait les affaires du XV du Chardon.
«Je pense que nous pouvons atteindre les quarts de finale du prochain Mondial», poursuit le journaliste, alors que la sélection a été éliminée au premier tour en 2011. Guy Novès, l'entraîneur toulousain, qui a affronté Cotter en Top 14, est lui aussi optimiste. En son temps, son homologue avait amené à Clermont ce dont le club avait besoin : «Une forme de sérénité, de régularité dans la performance.» «Les Ecossais arrivent parfois à créer des surprises. Avec Vern, ces surprises seront peut-être plus régulières», ajoute le Toulousain, qui pense que Cotter - un entraîneur «écouté et craint» - saura «transcender ses joueurs».
«Branlée». Amateur de chasse et de nature, le fermier a retrouvé en Ecosse un peu d'Auvergne. Il tente d'y importer quelques spécialités néo-zélandaises : un rugby total, des avants mobiles et de longues séquences de jeu. Cotter est réputé pour sa rigueur mais il sait aussi rigoler, comme Kayser l'a raconté à l'AFP : «C'est arrivé qu'il programme un entraînement le lendemain d'une défaite. On se disait "on va prendre une branlée" et, en fait, il nous attendait avec des bières.»
Le technicien a aussi relancé la mode des «kilt kiwis», ces Néo-Zélandais appelés avec l’Ecosse au début des années 2000. Hugh Blake, dont les grands-parents sont Ecossais, a évolué avec les Baby Blacks lors de la dernière Coupe du monde des moins de 20 ans. Il pourrait faire ses débuts lors du Tournoi, trois mois seulement après avoir débarqué à Edimbourg. Le premier pari d’un Vern Cotter qui joue gros en cette année 2015.