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Libération
Portrait

Manuel Neuer, titan en cage

Le gardien de but du Bayern Munich a renoncé à tout pour le foot. Menant une vie discrète, il a vu son talent et sa réussite reconnus par une nomination au dernier ballon d’or.
Manuel Neuer pendant le match contre le Ghana lors du Mondial 2014. (Photo Mike Blake. Reuters)
publié le 20 février 2015 à 18h36

D'où lui vient ce talent ? «Dans la famille, personne avant lui n'a jamais été dans les buts !» résume Marcel Neuer. Et si son petit frère Manuel n'a toujours eu que le foot en tête, jusqu'à figurer parmi les trois finalistes du dernier ballon d'or, finalement remporté par Cristiano Ronaldo, rien, a priori, ne le destinait à cette carrière… Et surtout pas son physique, au début. S'il atteint désormais 93 kilos pour 1,93 m, avec des mains comme des battoirs, Manuel Neuer n'a pas toujours été un titan frôlant la latte supérieure de la cage. «J'ai longtemps été très petit, et ça m'a même coûté la sélection dans une équipe de Rhénanie, a-t-il raconté. Certains entraîneurs m'ont même conseillé de faire une radio des cartilages de la main pour vérifier que tout allait bien avec ma croissance.»

Dépité, le jeune joueur n'en retourne pas moins à son ballon. «Il a tout sacrifié pour le foot, se souvient son frère, d'un an plus âgé que lui. Sa jeunesse, ça a été l'école, et puis le foot, le foot, le foot. Il a renoncé à tout le reste. A l'époque, ça me semblait incroyable. Avec le recul, il a tout fait juste !»

Trahison. Sauf, peut-être, plaisante-t-il, lorsque le jeune prodige a tourné le dos à son premier employeur, le FC Schalke, pour rejoindre le Bayern Munich en 2011 : un passage au club ennemi ressenti comme une trahison par bien des fans. Marcel Neuer, théologien et arbitre du dimanche, est, lui, resté fidèle au club de leur enfance. «Bien sûr, il a pris la bonne décision professionnelle. Mais quand Schalke joue contre le Bayern, je suis pour Schalke, même si Manuel est dans les buts», a expliqué le frangin au quotidien WAZ (Westdeutsche Allgemeine Zeitung).

Né le 27 mars 1986 à Gelsenkirchen, dans l'ouest de la Ruhr, Manuel Neuer est un enfant du quartier de Buer, «le Monaco de Gelsenkirchen», blague-t-il. Il est le fils d'un policier du sud-ouest de l'Allemagne. Neuer fait ses classes dans un internat du sport, y décroche son bac professionnel en 2006, avant de tout lâcher pour le foot. «Si je n'avais pas fait cette carrière, je serais peut-être devenu kiné», explique le numéro 1 du Bayern. En tout cas, pas artiste : «Mon frère était si mauvais en dessin qu'il m'est arrivé de faire ses devoirs à sa place dans cette matière, raconte Marcel Neuer. Je lui apportais mes dessins en classe, en expliquant qu'il avait oublié ses devoirs à la maison !»

La Bavière ne restera pour lui qu'une patrie d'adoption. Son cœur bat toujours pour la Ruhr et Gelsenkirchen. Son bistrot préféré reste le Zwiebel à Buer, là où ses copains d'enfance l'appellent toujours «Manu». A côté de son ancienne école primaire, il a ouvert, en octobre, un centre d'accueil pour jeunes en difficultés, avec la Fondation Manuel Neuer Kids qu'il a créée. Avec 15,5% de chômage, Gelsenkirchen fait partie des cités plutôt défavorisées de cette région industrielle.

Coiffeuse. «Dans la Ruhr, il y a beaucoup d'enfants pauvres, explique le gardien du Bayern. On ne s'en aperçoit pas tout de suite. Mais tu t'en rends compte quand tes camarades de classe portent toujours les mêmes vêtements, te demandent ton goûter, ou ne peuvent pas participer aux voyages de classe.» Pour ce catholique pratiquant, s'engager au niveau social participe du devoir des stars.

Calme et discret, Manuel Neuer ne s'est toujours pas habitué à sa popularité. «Etre reconnu partout où je vais, c'est un vrai défi pour moi», explique celui qui aime prendre son scooter pour se rendre à l'entraînement. «J'essaie de me cacher derrière un chapeau et des lunettes de soleil, mais ça ne marche pas toujours.» Beau joueur, il se prête alors avec bonne humeur à une séance d'autographes. Il est depuis quelques mois poursuivi par la presse people, qui lui prête une romance avec une étudiante berlinoise.

Les pieds sur terre, Manuel Neuer aime, en vrac, marcher en sandales Birkenstock, la danse, le billard, les fléchettes et le ping-pong. A ses heures libres, il se défoule sur les terrains de tennis, qu’il a pratiqué en club pendant son adolescence. Jusqu’à leur séparation en octobre, sa petite amie des années de jeunesse, Kathrin Gilch, coiffeuse, lui coupait les cheveux. On lui connaît deux goûts de luxe : sa collection de grosses cylindrées - son premier achat de footballeur professionnel a été une Audi A3 - et la villa de trois étages qu’il a fait construire aux bords du lac des millionnaires, le Tegernsee, et où vivent d’autres stars du Bayern comme Philipp Lahm et Uli Hoeness.