L'Afrique du Sud poursuit son travail de discrimination positive au sein du rugby. Elle s'engage, dans le cadre du Mondial de rugby qui se tiendra en Angleterre en septembre, à intégrer sans son effectif au moins sept joueurs non-blancs, dans le cadre d'un plan ambitieux de «transformation raciale», a annoncé mardi la SARU (Fédération sud-africaine).
Presque vingt ans ont passé depuis que Nelson Mandela, revêtu du maillot vert et or, remettait à Johannesburg la Coupe du monde au capitaine François Pienaard, devant un peuple en liesse. A l’époque, l’ailier Chester Williams, seul non-blanc de l’équipe, symbolisait cette toute jeune «nation arc-en-ciel», où toutes les couleurs de peau devaient finir par se mêler. Mais vingt et un ans après la chute du régime ségrégationniste, le sélectionneur Heyneke Meyer risque d’avoir du mal à trouver les sept hommes requis sur les 23 présents sur la feuille de match, tant le très haut niveau reste encore majoritairement une affaire de blancs.
D'où la précision apportée par la fédération, qui réaffirme que l'essentiel de l'effort doit porter sur la formation et la détection dès les catégories de jeunes. «Nous savons que nous sommes uniquement jugés sur la représentation (raciale) dans l'équipe des Springboks», a admis Jurie Leroux, comme à regret. Mais nous comprenons aussi qu'il serait injuste de mettre toute la pression sur le sélectionneur des Springboks sans lui offrir de solutions – son équipe ne peut que refléter la situation du rugby de haut niveau en Afrique du Sud.»
Sur les sept «non-blancs» sélectionnés, deux devront obligatoirement être des noirs, les métis ayant déjà trouvé une petite place dans les sélections, à l’image de l’emblématique ailier Bryan Habana, idole des supporteurs sud-africains depuis la Coupe du monde 2007 remportée en France, et aujourd’hui titulaire incontestable à Toulon, doubles champions d’Europe et champions de France.
Actuellement, Habana est d’ailleurs l’un des trois non-blancs à avoir sa place quasi-garantie sur le terrain, avec les piliers Tendai Mtawarira (noir, actuellement blessé) et Jon Paul Pietersen (métis). Teboho Mohoje, un autre Noir, a fait récemment plusieurs apparitions convaincantes en troisième ligne. Mais, blessé, il n’a pas eu le temps de s’imposer pour devenir un titulaire indispensable.
Selon le patron de la SARU, le rugby sud-africain s'est déjà «massivement transformé» depuis 20 ans, à l'époque où il était considéré comme un jeu presque exclusivement réservé aux Blancs. «C'est maintenant un fait que la majorité des supporteurs et des joueurs de rugby, à l'école et en clubs, sont des Noirs, 84% des moins de 18 ans dans ce pays sont noirs, et nous voulons qu'ils jouent avec nous», a-t-il dit.
Cette décision, annoncée au Cap par le président de la SARU Jurie Leroux, est la plus spectaculaire d'un plan ambitieux, dont le but est d'arriver à 50% de non-blancs pour toutes les équipes du championnat et les sélections d'ici à 2019. Elle répond aussi aux pressions du gouvernement, qui avait menacé l'an dernier de sanctionner les fédérations qui n'avançaient pas assez vite dans la «transformation». Lors du Four nations 2014 (le tournoi annuel qui regroupe les quatre grandes équipes de l'hémisphère sud : Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, Australie, Argentine), le sélectionneur avait été vivement critiqué pour avoir préféré rappeler des trentenaires blancs plutôt que de donner leur chance à des jeunes de couleur.