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Libération
Avant-match

A Rome, Saint-André joue à l’apprenti sorcier

Battu deux fois dans le Tournoi, le XV de France tentera de se ressaisir dimanche en Italie. Où il n’a pas gagné depuis 2009 et avec une sélection sans logique apparente.
Thierry Dusautoir et Vincent Debaty à l'entraînement à Marcoussis le 13 mars. (Photo Franck Fife. AFP)
publié le 13 mars 2015 à 20h06

Pour le XV de France, le voyage en Italie fut longtemps une aimable plaisanterie : on y allait, on les fracassait et, après avoir sifflé quelques caisses de Peroni, on rentrait en rotant, tranquilles, à la maison, en se demandant ce qu’ils foutaient dans le tournoi. Deux défaites d’affilée en terre romaine (2011 et 2013) ont changé la donne et confèrent des allures de possible cauchemar à la confrontation de dimanche (16 heures sur France 2). Il paraît même que la France n’est pas favorite - ce qui pourrait la servir.

Faute de leader charismatique sur le terrain et de coach crédible en dehors, les Bleus entreront dans le Stadio Olimpico, temple de la bonne humeur, avec la tronche des mauvais jours. Il leur faut résoudre en quatre-vingts minutes une double équation autour du chiffre trois : sera-ce leur troisième défaite d’affilée en Italie ? Et la troisième beigne de ce tournoi ?

Absurde. Pour l'éviter, Philippe Saint-André, aussi à l'ouest que ses joueurs, a effectué huit changements, dont quatre pour blessures, après la défaite à domicile contre Galles (13-20) qui l'avait vu fustiger des «starlettes» loin des «champions» qu'il attend. Par choix, il a viré Romain Taofifenua, qui n'a pas plus de trente minutes dans les jambes, ainsi que Rabah Slimani, Brice Dulin et Damien Chouly. Ce grand huit fait au moins trois heureux : l'ailier de Clermont d'origine fidjienne, Noa Nakaitaci, et le troisième ligne de La Rochelle Loann Goujon étrennent une première titularisation, et le grognard Nicolas Mas, 34 ans, est de retour en première ligne. On leur souhaite bon courage, tout comme à Scott Spedding qui, après avoir été écarté sans raison valable, revient à l'arrière, sans raison valable.

C'est à n'y rien comprendre, et d'ailleurs, il n'y a rien à piger. En vertu d'une règle propre au rugby hexagonal devenu ce royaume de l'absurde façon Désert des Tartares que le monde nous envie, même si la France prend une tôle dimanche, le sélectionneur ne sera pas remercié, car sinon le processus de choix d'un successeur perturberait le fragile équilibre entre caciques de l'ovale, qui pensent à leur pouvoir avant tout : il n'a donc pas trop la pression. Ainsi, PSA continue, à l'ouverture, à faire confiance à Camille Lopez, décevant dans le jeu comme au pied. Et il fait débuter sur le banc Mathieu Bastareaud, à qui on ne peut pas reprocher grand-chose, sauf que ses coéquipiers l'utilisent trop systématiquement quand il est sur le terrain, mais lui n'y est pour rien. PSA préfère aligner une paire de centres Maxime Mermoz-Gaël Fickou, qui ne forme une «évidence» que pour lui-même.

«Peur». Ces garçons auront l'honneur de lancer la «révolte» et de se comporter en «commando», dixit PSA, alors que les Bleus jouent avec le frein à main bloqué depuis le début du Tournoi, forts d'une seule et laborieuse victoire en Ecosse (15-8) avant la défaite logique en Irlande (18-11). Même s'il reste l'Angleterre à jouer à Twickenham le 21 mars dans une apothéose qui pue son Trafalgar, ce tournoi foireux est déjà perdu. Philippe Saint-André a en ligne de mire la Coupe du monde de l'automne en Grande-Bretagne, pour laquelle il disposera de deux mois de préparation avec les joueurs - ce qu'il réclame par-dessus tout.

Mais ce Mondial est aussi ce qui les freine. «On a peur de tenter, de faire tomber les ballons et du coup on ne fait plus rien, explique Bastareaud. Peut-être qu'on a peur de perdre notre place en vue de la Coupe du monde. Mais en fonctionnant comme cela, c'est le meilleur moyen de la louper.» Selon PSA, il ne manque pourtant que «des petits détails» pour y arriver. Mais le principal détail, vu des tribunes, c'est qu'on va au stade en serrant les fesses alors qu'il s'agirait de rigoler. Pour changer cette sale ambiance, on ne voit plus comme recours que la magie noire : allez les marabouts, collez quelques gri-gris sous la pelouse de l'Olimpico. La France de l'ovale, du pastis et du sauciflard triomphants vous en sera reconnaissante à jamais.