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Foot: et à la fin, c’est Giroud qui perd...

Victime programmée de l’Euro 2016, l’attaquant se débat pour garder sa place chez les Bleus.
Mercredi, avant le match contre le Brésil. Olivier Giroud est entré à la 84e minute de jeu. (Photo Franck Fife.AFP)
publié le 27 mars 2015 à 19h46

C’est devenu un standard de la vie des Bleus en même temps qu’un pas de côté, une petite respiration qui montre la vie dans la marge : le visage soucieux de l’attaquant tricolore Olivier Giroud, 28 ans, quand, muni de son baise-en-ville Vuitton, il passe en zone mixte - l’espace dévolu aux échanges entre les joueurs et la presse - pour s’exfiltrer d’un match où on ne lui a accordé qu’une quinzaine de minutes sur le terrain.

A cet instant comme aux autres, le Gunner d’Arsenal ne peut pas livrer le fond de sa pensée - il n’y en a que pour Karim Benzema, moi aussi j’existe. Mais il parle quand même : avec son regard, ses soupirs, ses hésitations. Ça dit surtout : voyez ce qu’ils me font à moi. Pudiques, les journalistes qui lui font face évitent de le mettre dans le rouge. Un instant d’empathie dans ce monde de gros keums : au même moment, ceux qui ne snobent pas la presse sont en démonstration de force ou sous-titrent la partie dans le sens de leur intérêt personnel.

Il nous est d’ailleurs arrivé de penser que c’était plus que de l’empathie : au fond, aussi fou que cela puisse paraître, certains observateurs sont peut-être plus lucides sur les perspectives - ou plutôt l’absence de perspective - de Giroud chez les Bleus que l’intéressé lui-même. Benzema fait la pluie et le beau temps dans la maison bleue et il n’aime pas l’attaquant qu’est Giroud. A priori rien de personnel, comme on dit dans les films américains : trop statique, trop difficile à trouver dans le jeu au sol alors que la star madrilène, comme tous les joueurs bien nés dont on comprend dès 16 ans qu’ils auront le monde à leurs pieds, aime le «petit ballon» : virtuosité technique, jeu dans les petits espaces, tu me donnes le ballon, je te le remets, je bouge, tu me le redonnes, etc.

Exfiltration

Le système offensif tricolore à un seul attaquant de pointe oblige de plus Benzema à s’exiler côté gauche puisque Giroud n’a pas la vitesse lui permettant de jouer sur l’aile : c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase madrilène, Benzema ayant organisé l’exfiltration en règle du Gunner (s’il joue, je n’en fous pas une rame) le 30 juin, en huitième de finale du Mondial face au Nigeria. Fin février, un journaliste de l’Equipe a demandé à Giroud s’il n’en avait pas tiré quelque ressentiment : «Au contraire ! Karim, j’ai appris à le connaître au Brésil. On n’est pas devenu les meilleurs amis du monde, mais on se connaît mieux. On se parle. On se trouve mieux sur le terrain. Il n’y a aucune tension entre nous.» Ceux qui l’ont vu sortir le cœur lourd du Maracanã de Rio après l’élimination face aux Allemands (0-1) lui pardonneront de faire bonne figure.

Dans la même interview, le Savoyard, qui crapahutait encore en Ligue 2 française à Tours à un âge (23 ans) où Benzema roulait carrosse au Real Madrid, enfourche son éternel cheval de bataille : «J'entends dire : "Arsenal a Giroud et Danny Welbeck mais ce club a besoin d'un attaquant de classe mondiale." Genre, nous, on n'est pas des attaquants de classe mondiale ? Il y a des trucs qui sont dits et qui me font chier. C'est humain. […] Je ne fais pas de complexe d'infériorité. Au niveau des statistiques [13 buts en Premier League anglaise cette saison malgré une fracture du péroné, ndlr], je suis juste derrière Diego Costa à Chelsea et Kun Agüero à Manchester City.»

Le soir de la parution de l’interview, il manquait cinq occasions nettes face à Monaco et précipitait l’élimination d’Arsenal en Ligue des Champions, son entraîneur choisissant de sortir à l’heure de jeu un Giroud en détresse pour abréger ses souffrances. Fâcheux timing. Même si ça fait peut-être son charme. Comme le fait de l’avoir vu plaider sa mobilité sur le terrain - il sait ce que le milieu du foot lui reproche - derrière un bus aux confins de la Biélorussie, un soir où Deschamps l’avait titularisé dans le seul but de soustraire Benzema au regard d’un grand public qui reprochait alors au Madrilène de ne pas avoir marqué en bleu en quinze mois.

Caleçon

Dans le même genre, les démêlés conjugaux du bonhomme - une fille qu’il avait ramenée dans sa chambre d’hôtel avait vendu une photo de lui en caleçon au Sun - avaient été gérés assez péniblement, entre excuses sur Twitter «à [son] épouse, [sa] famille, [son] entraîneur, [ses] coéquipiers et les supporteurs d’Arsenal» et des précisions scabreuses - «OUI j’ai fait une erreur mais NON je n’ai pas commis l’adultère» - par le même canal, avant que l’épouse du joueur, effarée, ne ferme l’accès public au compte de son mari. Ça fait beaucoup de maladresses. Et beaucoup d’explications, comme si le joueur, flatté d’apparaître régulièrement en tête des sondages sur le footballeur le plus sexy, avait besoin d’exister dans le regard des autres. A ce niveau, c’est un point faible terrible.