Dimanche, une foule d'un million de personnes se pressera sur les abords des 262 kilomètres du Tour des Flandres, l'une des cinq classiques majeures du calendrier. Une sorte de seconde fête nationale belge, aussi. Pour cette 99e édition, entre Bruges (Flandre-Occidentale) et Audenarde (Flandre-Orientale), on retrouvera le décor qui rend le Ronde si fascinant : pavés à répétition, bordures assassines, tronçons étriqués, monts casse-pattes et le Mur de Grammont à quelques kilomètres de l'arrivée pour départager les coureurs.
Favori. En revanche, pas de belge Tom Boonen ou de suisse Fabian Cancellara, les deux tauliers des épreuves flandriennes, forfaits sur blessure. Dans une discipline régie par des codes ancestraux et des alliances fluctuantes, cette vacance du pouvoir ouvre la porte aux ambitions, qu'elles viennent d'Italie, de Grande-Bretagne ou de la jeune génération belge (68 victoires pour les locaux depuis 1913).
Sep Vanmarcke en est le plus beau fleuron paradoxal : toujours excellemment placé mais jamais vainqueur, ce qui en fait l’un des grands favoris pour dimanche.
Le coureur de 26 ans fait partie de ces coursiers monomaniaques qui jouent l'essentiel de leur saison entre la fin février et la mi-avril. «Il a passé l'hiver sur les routes flandriennes. Il a humé et visualisé les petites côtes, les mauvais tronçons ou comment appréhender tel secteur pavé. Le contact avec les monts et la pierre de Flandre reste irremplaçable», assure Gil Suray, un anonyme du peloton qui l'a vu débuter.
Elite. Venu au cyclisme par atavisme familial en 2003, à l'âge de quinze ans, Vanmarcke est vite enrôlé par CLC, une équipe continentale (l'antichambre du monde professionnel) avant de basculer dans l'élite de son sport en 2009. Il signe alors pour une équipe américaine (Garmin), comme Boonen l'avait fait près de dix ans auparavant. Mais au lieu de revenir vite dans le giron belge comme son aîné, il reste trois ans sous bannière américaine avant d'opter pour une formation néerlandaise : Belkin devenue Lotto-NL Jumbo. Grand rouquin efflanqué (1,90 m, 77 kg), Vanmarcke ne concède qu'un modèle, Edwig van Hooydonck, un infatigable flingueur abonné aux places d'honneur (deux Tours des Flandres, quand même), prématurément retraité à 30 ans, dégoûté par l'émergence de la génération EPO. Le coureur de Lotto semble incarner un Flandrien d'un nouveau type : ni coursier rustique, taiseux et dur avec lui-même façon Johan Museeuw, ni star volubile et fêtarde en exil dans un paradis fiscal sauce Tom Boonen. Quand il ne s'entraîne pas, le natif de Courtrai passe ses hivers à rebâtir une vieille ferme près d'Anzegem. Son seul luxe : une Volkswagen Passat et une Ford Mondeo avec laquelle il espère atteindre les 300 000 km. «Je veux bien avoir son salaire mais je n'aimerais surtout pas vivre comme Tom Boonen », confiait-il à la Dernière Heure il y a quelques années.
Placide. Obnubilé par les classiques flandriennes, Vanmarcke est revenu à l'été 2013 sur le vélodrome de Roubaix pour refaire le sprint de «l'enfer du Nord» avec son frère Ken, devenu un de ses entraîneurs. Battu par Cancellara quelques mois auparavant, «il avait besoin de comprendre les raisons de son échec, car c'est un obsessionnel qui veut réussir», pense savoir Dirk Demol, ancien vainqueur de Paris-Roubaix. Au reste, Vanmarcke prend conscience du temps qui passe. Leader de sa nouvelle équipe depuis cette année, il s'est fixé trois objectifs pour la saison : les deux classiques flandriennes, l'étape des pavés du prochain Tour de France et le championnat du monde à Richmond (Etats-Unis) en septembre qui comprend un secteur pavé près de l'arrivée. «Je veux que 2015 soit l'année des prix», espérait-il, placide, en début d'année.