Il y a un mois, le désert d’Atacama, la région la plus aride de la planète, a fait la une pour des inondations catastrophiques, les plus graves depuis 1935, qui ont provoqué une trentaine de morts. Dimanche, les habitants de la région ont trouvé un peu de réconfort avec le titre de champion du Chili gagné par le club Cobresal, le premier de son histoire.
La surprise dans le monde sportif est colossale. Le fief de Cobresal est El Salvador, ville-champignon construite autour d’une mine de cuivre. Sa population : 8 000 âmes. C’est comme si, en France, Wissembourg, Loudun ou Uzès damaient le pion au Paris-SG ou à l’OL.
Chaotique. Cette équipe, sans vedette ni joueur international, est coachée par l'Argentin Dalcio Giovagnoli, qui a entraîné vingt clubs en vingt ans (dont la sélection bolivienne, en 2003). Lors de l'avant-dernière journée du tournoi de clôture (au Chili, comme dans le reste de l'Amérique du Sud, on organise deux championnats par an), le match nul de leur poursuivant, Universidad Católica de Santiago, a offert le titre suprême aux mineros (l'emblème de Cobresal est un ballon de foot surmonté d'un casque à lampe). Le chemin vers le sacre a été chaotique ces dernières semaines : leur stade El Cobre de 21 000 places, plus du double de la population, étant inondé, l'équipe a dû se déplacer à la capitale pour s'entraîner et disputer ses matchs. Dimanche, le terrain était à nouveau praticable. Après le sacre, l'entraîneur expliquait avoir motivé ses troupes en leur demandant d'apporter un moment de bonheur à des supporteurs si durement touchés par les intempéries.
L’implantation du football professionnel dans la région minière du nord du Chili remonte à la fin des années 70. Elle résulte de la volonté de la dictature du général Pinochet de fournir un divertissement apte à détourner des luttes sociales une population connue pour être combative et très syndicalisée.
L’enjeu était capital : le cuivre était, et reste, la première richesse du pays. La compagnie nationale Codelco fut invitée à mettre la main à la poche pour financer des structures et la construction de stades : d’abord le club Cobreloa, fondé à Calama en 1977, suivi en 1979 par Regional Atacama à Copiapó, et Cobresal à El Salvador.
Qualification. Fan de ballon rond, Augusto Pinochet était président d'honneur de Colo-Colo, un des deux clubs historiques de la capitale Santiago, et les instances du football s'entendaient à merveille avec la dictature. En novembre 1973, la Fifa assura la qualification du Chili pour la Coupe du monde 1974 en Allemagne de l'Ouest, à la suite du refus de l'Union soviétique de jouer un match de barrage au stade national de Santiago où, quelques semaines auparavant, au moment du putsch, on avait emprisonné, torturé et massacré des dizaines d'opposants.
Une fois la démocratie revenue, Cobresal devient l’équipe la plus performante de la région désertique. En 1986, le club gagne son premier titre, avec la Coupe du Chili. Il avait, alors, dans ses rangs un jeune joueur au jeu de tête étourdissant : Iván Zamorano, surnommé «Bam Bam», ou «l’Hélicoptère», futur avant-centre du Real Madrid et de l’Inter Milan, et capitaine de la sélection chilienne avec laquelle il marquera 40 buts.