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Foot: les sponsors, sélectionneurs officieux de la Seleção

Le quotidien «O Estadao» révèle que la fédération brésilienne aurait signé un accord donnant la main aux sponsors sur la liste des joueurs appelés en équipe nationale.
L'équipe nationale du Brésil avant la demi-finale de la Coupe du monde 2014 contre l'Allemagne. (Photo Vanderlei Almeida. AFP)
publié le 19 mai 2015 à 16h30

On savait la frontière entre le football de très haut niveau et les sponsors parfois poreuse. L'affaire révélée au Brésil par le journal O Estadao vient confirmer la tendance, et même renverser ici l'équilibre fragile du sport business. A en croire le contrat secret mis en ligne par le quotidien de São Paulo, le scandale touche une des équipes les plus emblématiques, la Seleção, quintuple championne du monde. La Confédération brésilienne de football (CBF) aurait signé un accord – mettant en jeu des sommes astronomiques – la liant avec une société écran du nom d'Internacional Sports Events (ISE), basée aux Iles Caïmans, «une mine d'or» pour les sponsors.

Selon ce contrat, les joueurs sélectionnés en équipe nationale doivent répondre à des critères établis par les partenaires commerciaux (la «valeur marketing» notamment), et, en cas de forfait de l'un d'eux, son remplacement doit être fait «en accord» avec les sponsors et les partenaires commerciaux. Le tout donnant lieu à des versements de commissions à des agents et autres intermédiaires, directement dans des paradis fiscaux, dans le dos du fisc brésilien.

La CBF a paraphé ce contrat avec ISE en 2006, à l’occasion des matchs amicaux. Un contrat renouvelé à Doha en 2011, pour dix ans, par le très décrié Ricardo Texeira, président de la CBF alors sur le départ. Et c’est à partir de ce moment-là, à trois ans du Mondial brésilien, que le sport passe au second plan, tout étant fait pour mettre en avant les marques, peu importent les résultats, les performances individuelles, les besoins de récupération des uns et des autres, la mise à l’essai de jeunes joueurs en sélection…

Un million de dollars par match 

L'article 9.1 du contrat stipule par exemple que «la CBF garantira et assurera que les joueurs de l'équipe A qui jouent dans les compétitions officielles participeront à tous les matchs». Toute non-participation condamne la CBF à ne percevoir que la moitié de la somme prévue, un montant de près d'1 million de dollars par match. Le contrat prend pour contre-exemple un match amical du Brésil en novembre 2011 contre l'Egypte, où les cadors brésiliens avaient été laissés sur le banc.

Cerise sur le gâteau du marketing roi, si un joueur titulaire en équipe du Brésil venait à être blessé, le contrat exige la présentation d'un certificat médical aux représentants de ISE, pour validation… Dans ce cas (ô combien malheureux), la sélection brésilienne s'engage à remplacer le joueur par un autre de la même «réputation», aux mêmes «valeurs marketing» et «capacités techniques». Rien que ça.

Et le contrat de penser à l'avenir : même en cas de suspension de l'accord, il stipule que la société basée aux îles Caïmans gardera tous les «droits réservés» sur la Seleção (et si ce n'est pas le cas, l'amende s'élèvera à un million de dollars).

Ce nouveau scandale de corruption fait suite à la guerre interne qui se joue dans les hautes sphères de la CBF, et dont le vainqueur restait jusque-là Ricardo Teixeira, aujourd’hui en dehors des instances de la sélection, mais toujours aux côtés des partenaires commerciaux avec qui il a signé le contrat.

A la lecture de ces informations, une question nous vient à l’esprit : mais quel sponsor a pu exiger (et combien a-t-il raqué pour être satisfait) la titularisation de l’infertile Fred à la pointe de l’attaque de la Seleção lors de la Coupe du monde?