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Nadal, l’ogre blessé

Le nonuple vainqueur arrive Porte d’Auteuil diminué, loin du statut de favori que s’est octroyé Djokovic.
L'Espagnol Rafael Nadal en demi-finale du Masters 1000 de Monte-Carlo face au Serbe Novak Djokovic, le 18 avril 2015 (Photo Jean-Christophe Magnenet. AFP)
publié le 22 mai 2015 à 19h06

C'est l'inconnue n°6. Jamais depuis son premier titre, à sa première participation, en 2005, Rafael Nadal n'avait accosté à Roland-Garros dans un état aussi improbable et avec un classement aussi bas (1). Pas un boat-people de la terre battue, n'exagérons rien. Mais un estropié. Un tueur à la cruauté émoussée. Un lifteur au bras tétanisé, que même la reprise de son ancienne raquette n'a pas réarmé. Il l'admet : «Je ne suis pas aussi bon que je l'ai été. Je ne sais pas si demain je serai aussi bon que je l'ai été», confessait-il au lendemain de sa défaite contre Murray en finale du tournoi de Madrid.

Bouée. Les chiffres le confirment. Sur terre battue, le Nadal pré-Roland-Garros 2015, c'est un pourcentage anémique de victoires au regard de ses stats habituelles (77,3% contre 92% sur l'ensemble de sa carrière), c'est un seul titre en 6 tournois (il en avait toujours gagné au moins 2), 5 défaites (il n'en avait jamais enregistré plus de 3). Et la dernière de ses déconvenues - il y a une semaine en quart de finale du tournoi de Rome (dont il avait atteint la finale 9 fois en 10 participations) face à Wawrinka (6-7, 2-6) - interpelle : l'Espagnol menait 6-2 dans le tie-break du premier set avant de le céder, et, dans ce genre de circonstances, il a toujours été plus du genre à appuyer sur la tête du type qui se noie qu'à lui lancer une bouée.

Edenté l’ogre de l’ocre ? Si proche ou si loin, ce dixième trophée à Roland qui ripolinerait son titre officieux de meilleur joueur de l’histoire sur terre battue ? On parle quand même d’un gars dont le Central est la résidence secondaire. Où il a ses petites habitudes : aller lui arracher trois sets, bonjour la tannée.

Qui est susceptible de réaliser le casse de la décennie ? Quatre joueurs ont battu Nadal sur terre cette année. Fognini deux fois ; on ne misera pourtant pas un kopek sur l’Italien. Nadal à Roland, ce n’est peut-être plus l’Everest, mais ça reste au moins l’Annapurna, et Fognini ne semble pas avoir les réserves d’oxygène suffisantes.

Une finale que Nadal n’atteindra, si la logique est respectée, qu’après avoir préalablement battu deux de ses autres tombeurs de la saison sur terre : Djokovic (en demi-finale à Monte-Carlo) et Murray (en finale à Madrid). Car en plus le sort s’est acharné sur l’Espagnol en le plaçant dans le même tableau que le Serbe, qu’il pourrait croiser en quart. Un match que Djokovic aborderait en favori, malgré son passif de 6 défaites en 6 matchs contre Nadal porte d’Auteuil. Car le Djok est proprement injouable en 2015 : 35 victoires pour 2 défaites, 5 titres et pas de ceux qui sont là juste pour faire genre, puisqu’il s’agit de l’Open d’Australie et des quatre Masters 1000 qu’il a disputés (Indian Wells, Miami, Monte-Carlo et Rome).

Cueillir. Djokovic version 2015 c'est Terminator. Au moins aussi fort qu'en 2011, quand il avait déboulé à Roland invaincu, avant d'être stoppé en demi-finale par Federer. Le Suisse, justement, que le tirage au sort a plutôt épargné : un qualifié au premier tour, puis des adversaires à sa portée, jusqu'à un éventuel huitième de finale contre Monfils, un quart contre Wawrinka, une demi contre Berdych ou Nishikori. Et les federolâtres d'imaginer leur idole n'ayant plus qu'à cueillir en finale un adversaire (Nadal, Djokovic ou Murray) carbonisé. Doucement les gars, prévient lui-même le Suisse dans une interview au Monde : «Ce serait quand même une surprise assez incroyable.»

Roland Garros : les quarts de finale théoriques

(1) 7e mondial, il est tête de série n°6 après le forfait de Raonic.