Plusieurs pontes poursuivis, soit «deux générations d'officiels du foot» responsables d'une «culture de corruption» décrite par la ministre de la Justice américaine, Loretta Lynch, comme «systématique» : la Fifa a encaissé mercredi un double uppercut judiciaire. Primo, sept responsables visés par cette enquête américaine ont été arrêtés par des policiers suisses à 6 heures du matin, à leur hôtel 5 étoiles Baur au Lac, à Zurich. Ils étaient venus assister au Congrès annuel de la fédération qui culminera vendredi avec la réélection, pour un cinquième mandat, du président Sepp Blatter. Six des sept interpellés s'opposent à leur extradition demandée par la justice américaine. Celle-ci estime à 150 millions de dollars les pots-de-vin récoltés depuis 1990 contre l'attribution de droits télé ou de marketing.
Maelstrom. Secundo, dans une procédure distincte, la Suisse a annoncé avoir ouvert, le 10 mars, une enquête pour «blanchiment d'argent et gestion déloyale» concernant l'attribution controversée des Mondiaux 2018 à la Russie et 2022 au Qatar. Des documents ont été saisis à Zurich au siège de la Fifa qui, face au maelstrom, a surjoué la sérénité : «Ce n'est pas un jour agréable, mais c'est aussi un bon jour», pour faire «le ménage», a soutenu son dircom, Walter de Gregorio. Qui, envoyé seul au front, a répété comme des mantras que non, Blatter «n'est pas impliqué», que l'élection de vendredi aura lieu vaille que vaille, tout comme les Mondiaux russes et qatari. Avec cette délicieuse précision : dans cette opération «Pieds propres», la Fifa est la «partie lésée», la «victime», qui a elle-même porté plainte le 18 novembre auprès du parquet suisse après des «soupçons» sur des «transferts internationaux de patrimoine avec, comme point de contact, la Suisse». De là à lancer un Fifathon…
Mais Walter de Gregorio a dû rectifier après avoir prétendu que Papy Blatter, 79 ans, prenait tout cela «relax» : «Cela ne veut pas dire qu'il danse dans son bureau.» La justice américaine a inculpé 14 personnes, 9 officiels de la Fifa - dont Jeffrey Webb (îles Caïmans), Eugenio Figueredo (Uruguay), membres du comité exécutif, et Jack Warner (Trinité-et-Tobago), ancien de ce comité - et cinq dirigeants d'entreprise de marketing sportif, aux Etats-Unis, en Argentine et au Brésil, où José Hawilla, patron du groupe judicieusement nommé Traffic Sports, a plaidé coupable fin 2014 en acceptant de payer 151 millions de dollars d'amende (139 millions d'euros).
«Racket». Le FBI perquisitionnait mercredi à Miami le siège de la Confédération d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes qui semble au cœur de l'affaire où il est question de «blanchiment» et de «racket». Pour la ministre Lynch, les victimes sont «nombreuses, depuis les fédérations de jeunes jusqu'aux pays en développement qui devraient bénéficier des revenus». Des compétitions sont en cause, dont la Copa America. Par ailleurs, l'attribution du Mondial 2010 à l'Afrique du Sud était «corrompue». Un procureur a prévenu : les inculpations «ne sont qu'un début». Mais la Russie a déjà dénoncé une application «illégale» de la loi américaine, appelant Washington à mettre fin à ses «tentatives d'exercer la justice hors de ses frontières».